Les femmes et l’argent
Dans le passé, il fallait qu’il y ait mort d’homme pour qu’une femme devienne riche. Seules les veuves ou les filles uniques héritières accédaient à ce cercle fermé des richissimes. Liliane Bettencourt, une des femmes les plus riches du monde, a hérité de l’empire de L’Oréal à la mort de son père.
Le Journal a publié samedi la liste des 25 chefs d’entreprise du Québec, tous des hommes, qui commandent les plus hauts salaires. Ces émoluments à sept chiffres incluent des primes, actions et tous les bénéfices rattachés à la fonction.
Le dernier tabou auquel les femmes doivent s’attaquer demeure l’argent. On ne parle pas ici d’égalité des salaires, mais de l’absence des femmes, sauf exception, sur les cimes de l’Himalaya financier.
Que faut-il conclure de cette liste? Ceux qui choisissent les PDG s’appuient sur plusieurs critères, dont la compétence à diriger l’entreprise. Alors, force est d’admettre que les chasseurs de têtes estiment qu’aucune femme n’est apte à pénétrer dans ce monde feutré, ne possédant ni la compétence, ni l’expérience, ni le profil psychologique, ni la formation adéquate.
RENVOI D’ASCENSEUR
Un milliardaire québécois m’a déjà expliqué qu’il était impossible de recruter des candidates pour siéger aux conseils d’administration des grandes entreprises. «Elles n’ont pas d’expérience», a-t-il dit. Il m’a assuré qu’il fallait 15 ans pour former un administrateur à des conseils haut de gamme aux jetons de présence dans les six chiffres. «Dans 15 ans, les premières grandes gestionnaires seront donc prêtes à accéder à ces postes très convoités», a-t-il conclu avec satisfaction. Pas un mot, cependant, sur le boy’s club se distribuant les postes selon le principe du renvoi d’ascenseur.
Bien sûr, on nous citera telle dirigeante d’entreprises multinationales, mais cela ne prouve qu’une chose: l’exception confirme la règle.
Briser le plafond de verre est l’expression qui désigne le combat des femmes pour accéder au pouvoir. Le mouvement féministe s’engage volontiers dans cette démarche. Les féministes exigent plus de femmes en politique et à la tête d’institutions publiques et parapubliques.
MODÈLE MASCULIN
Hélas, les féministes non seulement ne se mobilisent pas, mais elles refusent de s’intéresser à ces femmes dans les hautes sphères de l’argent. Certaines militantes affirment même que ces battantes, en choisissant ce modèle masculin où l’argent impose sa loi, s’éloignent des femmes. En d’autres termes, le féminisme est contaminé par la quête effrénée de l’argent. L’argent est vulgaire, sans âme, sans morale, donc antiféminin. Ce sont des choses inavouables, mais trop de femmes ont peur de ce pouvoir et préfèrent se donner bonne conscience plutôt que d’affronter cette aliénation confirmée par leur comportement erratique devant le veau d’or.
Encore trop de femmes sont mal à l’aise de parler d’argent. Elles se sentent inaptes à négocier pour elles-mêmes comme si elles se vendaient à la manière de celles qui pratiquent le plus vieux métier du monde. Elles semblent trouver une incompatibilité de nature à s’affirmer face à l’argent.
Les femmes seront égales aux hommes le jour où elles comprendront que l’argent n’a pas de sexe.