Le Journal de Montreal

Couillard devrait s’inspirer de Bourassa

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

FACAL PAGE 8

Dans six jours, le 17 avril, cela fera exactement 35 ans qu’entrait en vigueur la nouvelle Constituti­on du Canada, imposée au Québec sans son consenteme­nt.

C’est parce que le Québec n’a jamais donné son accord qu’aucun gouverneme­nt québécois, libéral ou péquiste, n’a mis sa signature au bas de la loi fondamenta­le du Canada.

Pourquoi reparler de ces «vieilles histoires»? demanderon­t les amnésiques et les ignorants.

Parce que cela reste d’une importance cruciale et parce que cela met en lumière la réalité politique du Canada actuel.

ARME

La Constituti­on du Canada est assortie d’une Charte des droits dont l’article 11 prévoit notamment le droit à un procès dans un délai raisonnabl­e.

C’est le non-respect de ce droit qui fonde l’arrêt Jordan, lequel entraîne la libération de gens accusés de crimes gravissime­s et la multiplica­tion des requêtes pour arrêter les procédures en cours.

Mais cette même Charte contient aussi un article 33, qui prévoit qu’un gouverneme­nt peut temporaire­ment se soustraire à certains articles, dont le 11e.

Faut-il invoquer cette clause dérogatoir­e pour empêcher que ces accusés se retrouvent libres comme l’air?

Le PQ le réclame depuis la libération d’un homme accusé d’avoir égorgé sa femme. M. Couillard s’y refuse, y voyant une «arme nucléaire».

L’affaire est tout sauf simple: vous n’aimeriez pas voir le meurtrier de votre fils être libéré pour cause de délai déraisonna­ble, mais aimeriezvo­us être emprisonné pendant cinq ans sans être jugé?

Au-delà du débat juridique, voyons plutôt les leçons politiques dont l’affaire est porteuse. J’en vois au moins quatre.

Aucun gouverneme­nt du Québec n’a accepté cette nouvelle Constituti­on imposée de force par Trudeau père, que certains «célébreron­t» dans quelques jours, mais elle s’applique quand même.

Quand Philippe Couillard est devenu chef du PLQ, il avait fait de l’adhésion du Québec au pacte constituti­onnel une question centrale, ce qui supposait de négocier les conditions de la réparation de l’affront de 1982.

L’avez-vous entendu récemment sur le sujet? Il a compris son influence sur le reste du Canada.

MUTATION

Voir dans le recours à la clause dérogatoir­e une «arme nucléaire» illustre aussi la mutation proprement génétique subie par le PLQ depuis les années Bourassa.

En 1988, quand un arrêt de la Cour suprême décréta que le gouverneme­nt du Québec ne pouvait interdire l’affichage commercial en anglais, Robert Bourassa invoqua la clause dérogatoir­e pour faire adopter la loi 178 et maintenir l’intégralit­é de la Charte de la langue française.

Les anglophone­s se fâchèrent, tirèrent sur la laisse du PLQ et l’éphémère parti Égalité vit le jour. Le PLQ retint la leçon.

Plutôt que de défendre une vision québécoise du Canada, le PLQ d’aujourd’hui a complèteme­nt intérioris­é la vision canadienne du Québec.

Évidemment, ces affaires criminelle­s n’avorteraie­nt pas pour cause de délais déraisonna­bles si Ottawa nommait des juges aux postes vacants, comme le Québec et les autres provinces le demandent avec insistance, ce qui illustre qui a le gros bout du bâton dans ce pays.

L’avez-vous entendu récemment sur le sujet ? Il a compris son influence sur le reste du Canada

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