Le Journal de Montreal

Détenu jusqu’à son expulsion

Le Montréalai­s accusé de meurtre et libéré en raison des délais judiciaire­s n’a pas pu profiter de sa liberté

- Michaël Nguyen MNguyenJDM 514.599.5888 8010 michael.nguyen@quebecorme­dia.com

Même s’il a échappé à son procès pour meurtre, le Montréalai­s qui aurait égorgé sa femme pourrait maintenant rester détenu pendant des années en attendant son expulsion du pays.

«Il y a un risque que vous preniez la fuite et le critère de dangerosit­é s’applique à vous», a statué la commissair­e Dianna Tordorf, en ordonnant la détention de Sivalogana­than Thanabalas­ingham, hier après-midi.

L’homme de 31 ans s’était présenté devant la Commission de l’immigratio­n et du statut de réfugié du Canada [CISR], hier, où il a appris qu’il faisait face à un avis d’expulsion vers son Sri Lanka natal pour grande criminalit­é.

Car même s’il ne subira pas de procès pour le meurtre d’Anuja Baskaran à Ahuntsic en août 2012, il avait déjà écopé d’une peine de prison pour l’avoir battue dans les mois précédant le drame.

La semaine dernière, un juge avait annulé le procès criminel de Thanabalas­ingham en raison des trop longs délais. Cette décision faisait suite à l’arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada, qui fixe à 30 mois le temps d’attente pour un procès devant jury, sauf exception.

PAS CONVAINCAN­T

Souriant et l’air décontract­é, il n’a pas bronché quand il a appris l’ordre d’expulsion. C’est qu’il veut faire appel de la décision et qu’il pourrait s’écouler jusqu’à quatre ans avant qu’on ne statue sur sa requête. En attendant, il veut aller vivre chez son frère et sa belle-soeur, à Montréal. Le frère du meurtrier allégué est prêt à verser 55 000 $ de caution, mais la commissair­e n’a pas acquiescé à cette demande, surtout en l’absence de la bellesoeur dans la salle d’audience. «Vous n’avez pas dit que vous n’aviez pas tué votre épouse alors que vous aviez l’occasion de le faire», a ajouté la commissair­e en s’adressant directemen­t à Thanabalas­ingham.

Mme Tordorf a d’ailleurs noté le comporteme­nt douteux de l’accusé. Lorsqu’il s’est fait demander avec quelle arme il avait battu sa femme, il aurait répondu «demandez à mon ex-femme» en lâchant un juron.

PROVOCATIO­N

Juste avant, le meurtrier allégué avait pourtant tenté de convaincre la CISR qu’il était pacifique, mais en vain.

«Ce n’est pas tous les jours que je suis violent, c’était à cause d’une personne, toujours la même personne, a d’ailleurs commenté Thanabalas­ingham en référence à la victime de 21 ans. Une seule personne me mettait en colère.»

Il a ensuite ajouté que c’est sa femme qui le provoquait et qu’en cinq ans il n’avait pas été turbulent en détention.

«Avant [le mariage], je menais la belle vie, at-il juré. Maintenant, je vais bien, je veux m’acheter une maison, une auto, partir en affaire.»

UN REGRET

Ces déclaratio­ns ont fait sourciller la commissair­e.

«Il y a un schéma de violence conjugale qui s’est soldée par la mort d’une femme, a-t-elle dit. Pourtant, [Thanabalas­ingham] dit qu’il n’est pas violent, que c’est arrivé une fois et que c’est OK.»

En trois heures d’audience, Thanabalas­ingham a quand même montré quelques regrets, mais pas directemen­t pour la mort de sa femme.

«Je me sens mal parce que j’ai passé cinq ans en prison», a-t-il lancé à la commissair­e tout en ajoutant avoir commis une «grosse erreur».

Malgré son revers devant la CISR, Thanabalas­ingham n’a toutefois pas perdu espoir d’être libéré puisqu’il aura droit à une nouvelle audience jeudi.

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PHOTO PIERRE PAUL POULIN Sivalogana­than Thanabalas­ingham a beau avoir été libéré de l’accusation de meurtre qui pesait contre lui, il est resté détenu en attendant d’être déporté.

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