Le Journal de Montreal

La morale selon Trudeau

- Loïc Tassé

Voilà que Justin Trudeau décide de faire de la politique internatio­nale. Il estime que Bachar al-Assad doit partir.

Dans la ligne de pensée de Chrystia Freeland, qui tremble de haine dès que quelqu’un prononce le mot «Russie», il croit que davantage de sanctions devraient être imposées à Moscou. Personne ne doute que Bachar al-Assad soit un horrible dictateur. Malheureus­ement, des dictateurs gouvernent la majorité des États du monde. Faut-il pour autant couper les liens avec ces États? Dans le cas précis de Bachar alAssad, qu’arriverait-il si la Russie cessait de le soutenir?

1 Que propose Justin Trudeau ? Trudeau propose une vision très morale de la politique internatio­nale. Un pays commet une horreur, il faut le châtier. Un pays viole les traités internatio­naux, il faut le punir. Ces beaux principes moraux sont réconforta­nts, faciles à comprendre. Personne ne peut s’élever contre eux. Comme pour la tarte aux pommes.

2 La morale est-elle valide dans les relations internatio­nales ? Sauf que dans les faits, les arguments moraux ne tiennent pas la route. Par exemple, parlant de dictateurs, pourquoi le Canada continue-t-il à entretenir de très bonnes relations avec la Chine, où, pourtant, le Parti communiste chinois règne sans partage depuis 1949? En termes de dictature, la Chine est bien plus dictatoria­le que la Russie. Que dire de tous ces sympathiqu­es émirs et rois du pétrole qui confisquen­t le pouvoir à leur peuple et qui accaparent les richesses de leur pays? En quoi les massacres de l’Arabie saoudite au Yémen sontils plus supportabl­es que ceux de Bachar al-Assad? Est-il plus tolérable que des enfants meurent sous les ravages des bombes et de la famine plutôt qu’asphyxiés par des gaz chimiques?

3 Trudeau comprend-il les relations internatio­nales ? La triste réalité, c’est que les États sont gouvernés par leurs intérêts. Depuis le bombardeme­nt supposé aux gaz chimiques de l’armée syrienne, la morale a complèteme­nt envahi les discours de plusieurs dirigeants américains. Que Trudeau ait choisi d’emblée de faire confiance aux États-Unis sur la Syrie et qu’il se lance lui aussi dans des explicatio­ns morales en dit long sur son ignorance en matière de relations internatio­nales.

4 Quelles seraient les conséquenc­es de la chute de Bachar al-Assad ? Supposons que la Russie lâche le régime de Bachar al-Assad. Est-il bien sûr que les Syriens y trouveraie­nt leur compte? Sûrement pas. En combien d’États se subdiviser­ait ensuite la Syrie? Qui contrôlera­it les islamistes? La Russie perdrait un territoire allié. La Turquie, Israël et l’Arabie saoudite trépignera­ient de joie parce que leur vieil ennemi serait anéanti. Plutôt que de succomber aux délices de la morale, Trudeau ferait mieux de tenter de comprendre les véritables intérêts qui se cachent derrière les politiques des États-Unis. Il devrait aussi se demander quels sont les véritables intérêts du Canada.

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