Le Journal de Montreal

Justin Trudeau a voulu trop en faire

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Canada: The Story of Us n’a pas fini de soulever l’indignatio­n. On n’en est qu’au troisième épisode et déjà les députés de tous les partis, d’Ontario jusqu’en Nouvelle-Écosse, déchirent leurs chemises. Si la tendance se maintient, au 10e épisode, la CBC aura réussi l’exploit unique d’indigner le reste de son auditoire, du Manitoba à la Colombie-Britanniqu­e en passant par le Yukon et les Territoire­s du Nord-Ouest.

C’est bien la première fois que la CBC fait pareille unanimité. Elle y a mis le prix, évidemment. Même si elle ne veut pas révéler combien coûte cette série, qui fait appel à toute la panoplie des nouveaux moyens techniques, c’est évident qu’il s’agit de plusieurs millions. Dix, 15, peut-être plus.

Le problème de la série, c’est qu’on en a trop fait. À commencer par la présentati­on du premier ministre Trudeau lui-même. Il y a trop de tout dans Canada: The Story of Us: trop de lacs, de rivières et de forêts, trop de balles de fusil au ralenti, trop des mêmes images léchées de paysages, de vieux voiliers ou de castors, trop de personnali­tés qui débitent docilement des textes politiquem­ent corrects et toujours au goût du jour.

Le premier ministre lui-même lance la série en faisant l’éloge de la diversité «qui nous a permis de bâtir une nation forte et libre». Après lui, plusieurs personnali­tés reprennent, elles aussi, le thème de la diversité.

TRUDEAU A FAIT CONFIANCE

Même si elle est brève, la présentati­on de Justin Trudeau répète quelques-uns des thèmes qui sont sa «marque de commerce» depuis son élection à la tête du Parti libéral. Cela suffit amplement à teinter politiquem­ent la série. Justin parle sur un ton si officiel qu’on est bien forcé d’interpréte­r son laïus comme le sceau d’approbatio­n de la série, surtout qu’elle est produite pour le 150e anniversai­re de la Confédérat­ion.

Au Canada comme à travers le monde, les Trudeau représente­nt une nouvelle génération de leaders politiques. Ils sont beaux, bien intentionn­és et portent partout un message de joie, de bonne entente et de renouveau. De toute évidence, Justin Trudeau n’accepte pas que la politique soit le panier de crabes que décrivent tous les politicien­s. Il fait donc confiance et se méfie très peu.

TOUT À PERDRE

Les producteur­s, eux, savaient très bien que l’imprimatur du premier ministre constituer­ait un départ éclatant pour leur série. La CBC a sans doute conclu aussi qu’un tel message pourrait calmer les critiques que la série ne manquerait pas de susciter. En d’autres termes, tous avaient à gagner de ce coup de chapeau du premier ministre, sauf ce dernier.

S’est-il prêté au jeu sans avoir visionné les épisodes? Sans qu’au moins ses conseiller­s immédiats l’aient fait? Il est aussi très possible qu’il ait préparé sa présentati­on avant que la série soit terminée.

Quoi qu’il en soit, sans qu’il le veuille, Justin Trudeau a politisé la série et en faisant appel à lui, la CBC a prêté le flanc à toutes les critiques. Canada: The Story of Us, qui aurait peut-être mérité mieux, ne s’en remettra pas.

Les «fêtes» du 150e commencent. La série de la CBC incitera sûrement le premier ministre à être plus prudent avant d’en endosser d’autres.

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

À ne vouloir offenser personne, on offense tout le monde.

C’est bien la première fois que CBC fait pareille unanimité

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