Le Journal de Montreal

Un dimanche à la campagne

- LISE RAVARY Blogueuse au Journal lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Jamais je n’aurais pensé que cette histoire de DPJ musulmane aurait un tel écho. Merci à mes sources, dont une personne de confession musulmane, croyante et pratiquant­e, mais qui rejette les dérapages intégriste­s.

À l’heure des réseaux sociaux, le métier de chroniqueu­r génère son lot de stress émotionnel.

Mais j’ai trouvé l’antidote. L’an dernier, chéri et moi, lui né sur le Plateau et moi dans Hochelaga-Maisonneuv­e, sommes déménagés à la campagne. Nous en rêvions sans trop y croire.

RÊVE RURAL

Un jour, l’occasion s’est présentée d’acquérir, pour le prix d’un condo à Griffintow­n, un cottage sur trois acres de terrain, avec un grand étang rempli de poissons frétillant­s. Et un immense garage transformé en mancave par chéri qui lui aussi frétille de bonheur.

Nous sommes à une heure environ de Montréal. En région agricole. Pas de touristes, pas de station de ski, pas de restaurant célèbre, pas de spa, pas de vedettes. Que des fermes, des champs de maïs, des forêts, des tracteurs, des VTT, des dindes sauvages, des coyotes, des lièvres et des chevreuils qui viennent manger de la moulée près de la terrasse.

En août dernier, un chaton est sorti de la forêt derrière la maison pour entrer dans nos vies.

Une clairière déroule son tapis de fleurs sauvages sous la fenêtre de la chambre. De leur enclos, les ponies Shetlands et le superbe cheval Canadien de la voisine nous font des yeux doux. De temps à autre, une grosse poule brune vient nous saluer.

Comme ma vie a changé. J’ai troqué Louboutin, Armani et autres monuments vestimenta­ires de mon époque «patronne de magazines» pour des bottes de caoutchouc, même pas griffées «Hunter» et des chemises à carreaux. Qu’on appelle «tuxedos canadiens» dans mon patelin. J’ai abandonné Holt Renfrew pour le Tigre Géant et ma décapotabl­e pour un John Deere.

En prime, et j’en suis immensémen­t reconnaiss­ante, mon obsession de vivre dans un décor de magazine s’est évaporée. Quand je pense à ces angoisses stupides à cause d’un canapé un peu défraîchi, ou d’un papier peint importé d’Angleterre qui n’allait pas tout à fait avec les tentures du hall d’entrée.

LA PERFECTION DE L’IMPARFAIT

J’ai besoin d’un cadre de vie agréable, mais à la campagne, la vraie, boue, garnotte et mauvaises herbes rendent le désir de perfection risible.

L’internet haute vitesse n’a d’élevé que le montant de la facture. Le signal cellulaire est faible. L’eau sent le soufre. La pompe du puisard et la fosse septique m’angoissent. Le samedi matin, l’été, un voisin qu’on ne voit pas partage son amour de la musique country avec toute la vallée.

Mais la nuit, les étoiles sont si brillantes. Quand il pleut, les gouttelett­es dansent la claquette sur le toit de métal.

J’ai recommencé à cuisiner. Chéri adore mes madeleines. Les oeufs viennent d’un frigo public sur le balcon d’un voisin. Je fais du pain. Je me pâme pour ma chambre froide.

La vie est une succession d’étapes parfois disparates. J’ai l’impression de renaître, comme il y a cinq ans déjà, quand j’ai commencé à tenir cette chronique. Je suis envahie par la gratitude. Merci la vie et merci à vous de me lire.

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