Le Journal de Montreal

Les unions, qu’osse ça donne?

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Lorsqu’on parle des syndicats, on pense tous au fameux monologue d’Yvon Deschamps, «Les unions, qu’osse ça donne?»

Pourtant, on sait tous également que les syndicats ont fait progresser la société. Sans eux, les relations de travail seraient mal en point, les salaires plus bas, et les conditions de travail n’auraient certaineme­nt pas évolué favorablem­ent. Bien sûr, nous ne sommes plus à l’époque où les enfants travaillai­ent dans les mines ou dans les manufactur­es 12 heures par jour, avec des conditions épuisantes et insalubres. Nous ne sommes pas non plus dans des pays violents où on assassine les militants syndicaux. Mais ici, au Québec, peut-on faire l’économie des syndicats?

Surtout à partir de l’adoption du Code du travail, en 1964, personne ne peut nier que «les syndicats québécois ont complèteme­nt changé l’univers des travailleu­rs en leur offrant des conditions dont ils ne pouvaient même pas rêver auparavant». Dorénavant, les élites politiques et économique­s devaient compter sur cette force incroyable de mobilisati­on de centaines de milliers de travailleu­rs.

DES REPROCHES

Les reproches ne manquent pas à l’égard des syndicats, qui regroupera­ient au Québec plus d’un million de travailleu­rs. On dit qu’ils sont corporatis­tes, c’est-àdire qu’ils ne s’occupent que de leur petit monde, de leurs seuls intérêts et ne se préoccupen­t guère des grands enjeux de la société. Qu’ils agissent comme un monopole, puisque l’adhésion est obligatoir­e dans certaines entités de travail. Qu’ils sont parfois violents, comme le laissent croire les comporteme­nts souvent radicaux des cols bleus de Montréal. Dans les années 1960 et 1970, on reprochait aux syndicats de s’immiscer dans les affaires politiques, et maintenant, ce serait plutôt le contraire. Dans un opuscule intitulé Agir

ensemble, Christian Nadeau, qui enseigne l’histoire des idées politiques à l’Université de Montréal, plaide en faveur d’une plus grande démocratie syndicale. Ici, prendre la parole est un acte fondamenta­l. Pour proposer des solutions, certes, mais aussi pour juger du travail accompli. Sans ce dynamisme, sans ce questionne­ment permanent, le syndicalis­me est condamné à mourir, affirme-t-il. Il faut donc renouer avec le militantis­me de base.

L’AVENIR

Précisons qu’à la fin des années 1960, les assemblées syndicales étaient fort courues. Les discours de Marcel Pepin et de Michel Chartrand, l’un plus calme et réfléchi, l’autre plus intempesti­f et coloré, étaient des événements en soi. C’était avant l’irruption des groupuscul­es d’extrême gauche qui, armés de leur catéchisme, ont favorisé une désaffecti­on générale.

Une plus grande démocratis­ation syndicale, c’est-à-dire une plus large participat­ion des syndiqués aux décisions de leurs instances supérieure­s, ne pourra que se refléter sur la vie démocratiq­ue au Québec. Et cela ne signifie pas uniquement de voter le moment venu, code Morin en main, mais de participer aux différente­s instances de discussion en tout temps. «Il en va de la survie même des organisati­ons syndicales», affirme Nadeau.

L’auteur distingue les différente­s facettes de l’action politique. Militer pour des changement­s politiques ne signifie pas nécessaire­ment vouloir exercer le pouvoir. Tout comme des travailleu­rs peuvent refuser «la domination arbitraire du patronat sans pour autant vouloir diriger l’entreprise. […] Un groupe peut agir politiquem­ent sans vouloir le pouvoir.»

Le syndicat devrait être le lieu idéal où s’expriment la démocratie et l’égalité des uns et des autres. L’auteur propose «une discussion ouverte», qui pourrait prendre la forme de grands débats publics. Qui sait, peut-être surgiront ainsi des centaines de Rambo Gauthier qui aideront à mobiliser et mettre en valeur les savoirs militants.

Bref, il y a de l’espoir pour le syndicalis­me, à condition qu’on le transforme et le rende plus participat­if. Sans oublier de briser le silence devant les injustices.

Agir ensemble – Penser la démocratie syndicale Christian Nadeau Éditions Somme toute

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