Le Journal de Montreal

Une histoire de l’immigratio­n française

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L’immigratio­n a toujours été au coeur des préoccupat­ions du Québec. Après la défaite de 1760, le Québec se retrouvera orphelin. Nombreux seront ceux, parmi les plus cultivés, à retourner en France, abandonnan­t le petit peuple à son triste sort. Suivra une période de repli qui s’étalera sur une centaine d’années.

Entre 1765 et 1865, à peine 1487 immigrants français s’établiront ici, «soit une moyenne d’une quinzaine par année», dont plus du quart proviendra des communauté­s religieuse­s. Il s’agit surtout de religieux qui fuient la Révolution française. Ils propageron­t leurs idées contre-révolution­naires, lors des insurrecti­ons patriotiqu­es de 1837-1838, en luttant contre le laïcisme et le républican­isme des patriotes. Pour mieux contrôler corps et esprits, ils investiron­t dans l’assistance aux pauvres, les hôpitaux et l’éducation. Leur influence perdurera jusqu’à la Révolution tranquille.

Selon les auteurs, il faut distinguer trois vagues importante­s d’immigratio­n française. On connaît bien la première, qui commence avec la Nouvelle-France et se termine en 1760, mais la seconde, qui débute une centaine d’années après la défaite, soit en 1870, et s’étendra jusqu’à la Première Guerre mondiale, est moins connue. C’est à cette époque, soit après l’imposition de la constituti­on canadienne de 1867, que le Québec perdra ses principale­s prérogativ­es en matière d’immigratio­n. «Dans les faits, les provinces perdent tout droit de regard dans le recrutemen­t et la sélection et doivent se contenter de jouer un rôle d’accueil, en aidant les immigrants à s’installer.»

ATTIRER LES FRANÇAIS

Le gouverneme­nt canadien n’est pas très empressé de promouvoir l’immigratio­n française, préférant celle des colonies britanniqu­es. D’ailleurs, en Europe, le bureau d’immigratio­n française sera basé à… Londres! Cependant, on multiplier­a les efforts pour inciter les Français de tous les horizons à venir s’installer ici. Même le curé Labelle, «le roi du Nord», ira vanter en France les mérites de la colonisati­on.

Malheureus­ement, tous ne prennent pas souche ici et ils sont nombreux à retourner dans leur patrie, à la suite d’échecs profession­nels, ou en raison de difficulté­s à s’adapter au climat. Cela vaut encore pour aujourd’hui: on estime qu’au moins le quart des immigrants français quittent le Québec quelques années à peine après leur arrivée.

L’immigratio­n française aura un impact direct sur la société québécoise. Elle contribuer­a à l’épanouisse­ment de la langue française, toujours menacée, mais aussi au resserreme­nt des liens culturels, à travers les livres, le théâtre, les arts visuels, le cinéma, le journalism­e, entre autres.

J’aurais souhaité une plus grande ardeur à dénoncer les politiques coloniales du Canada, nuisibles à l’affirmatio­n française en Amérique, mais pour cela, il aurait fallu sans doute la participat­ion de l’historien Robert Lahaise, également spécialist­e de cette période, grand absent de cette recherche.

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Transposer la France — L’immigratio­n française au Canada (1870-1914) Paul-André Linteau, Yves Frenette, Françoise Le Jeune Éditions du Boréal

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