Le Journal de Montreal

Le triomphe du vide

- Joseph facal joseph.facal@quebecorme­dia.com

On ne voit pas comment Emmanuel Macron pourrait ne pas être élu, demain, président de la France.

Sa victoire sera écrasante parce que beaucoup de gens qui ne l’appuyaient pas jusqu’à tout récemment voudront barrer la route à Marine Le Pen.

Cette dernière parle de ce qui préoccupe bien des Français, mais ses solutions sont perçues comme extrêmes et irréaliste­s.

Surtout, elle n’est pas parvenue à faire suffisamme­nt oublier tous les relents que son parti charrie.

CHANGEMENT ?

Si l’on exclut les ralliement­s tactiques de dernière minute, le noyau dur des partisans de Macron est composé de gens qui pensent qu’il incarne le «changement».

Cadre à la Banque Rothschild, Macron fut ensuite directeur de cabinet adjoint de François Hollande et un éphémère ministre de l’Économie dans le gouverneme­nt de Manuel Valls.

Vous trouvez que c’est un parcours qui annonce le changement?

Rien dans son discours ne permet non plus de voir en lui le candidat du changement.

Macron, c’est le candidat de la mondialisa­tion heureuse, du multicultu­ralisme assumé, de la dilution de l’identité nationale et de la technocrat­ie européenne.

Bref, il prône la poursuite de ce qu’un nombre croissant de Français rejette. Changement?

Mais il a l’immense et principale qualité de ne pas s’appeler Le Pen.

Écoutez attentivem­ent les partisans de Macron les plus convaincus. Sur quoi repose leur conviction qu’il est le candidat du changement?

Ah, mais c’est qu’il est jeune! dirontils.

Jeunesse et changement: nous voilà au coeur de l’affaire.

Être jeune est devenu une qualité, non une statistiqu­e, même si le jeune ne dit que des banalités ou recycle de vieilles idées.

Le changement, lui, est bon en soi, indépendam­ment de la direction proposée.

À la limite, on s’en fout un peu de la direction. C’est la nouveauté en ellemême qui est valorisée.

Avant, il y avait le socialisme et le libéralism­e. Maintenant, il y a le «jeunisme».

MODE

Ce phénomène m’avait frappé pour la première fois le 15 novembre 2005. Je m’en souviens très exactement.

C’était la fin de la course à la direction du PQ. Il fallait désigner le successeur de Bernard Landry.

André Boisclair avait fait toute la course très loin en tête.

Je commentais la soirée pour un réseau de télévision. Micro à la main, une jeune journalist­e se promenait parmi les délégués et leur demandait d’expliquer leur vote pour lui.

Il est le «changement». Il a des «idées». Lesquelles, demandait la journalist­e. «Euh…», répondait-on.

Quand Justin Trudeau est devenu chef du PLC avec 80 % du vote en avril 2014, le contenu n’avait pas non plus la moindre importance.

Je le constate aussi chez mes étudiants : pour eux, changement et progrès sont des synonymes.

Quelqu’un, quelque part, décide que la couleur à la mode cet automne sera le jaune ou qu’il sera maintenant «tendance» de trouer ses jeans aux genoux.

De plus en plus, on élira ainsi nos dirigeants.

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Emmanuel Macron Le changement est-il bon en soi, indépendam­ment de la direction proposée ?

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