Drôles de Québécois
Depuis quelques années, nombre de Québécois désabusés au point de se laisser entraîner vers le cynisme se cherchent des icônes. Plusieurs s’expriment sur les réseaux sociaux et dans les médias et semblent attirés par un nouveau trio politique inquiétant.
En effet, l’on trouve des
fans de Trump, Le Pen et Poutine. Qu’ont-ils en commun, ces trois politiciens? Ce sont des personnalités à la brutalité déconcertante, qui partagent une vision du pouvoir qui laisse peu de place aux nuances, qui possèdent un cran doublé d’une agressivité permanente et dont le discours est sans filtre. Ces populistes incarnent aussi, par leur comportement hors des normes et des codes qui ne sont pas les leurs propres, les nouveaux politiciens anti-système.
Ils se nourrissent du mépris de ceux qui osent les contester et, fins connaisseurs de la faiblesse humaine, ils savent d’expérience que l’argent et l’ascendant sur les autres sont les mamelles de leur puissance.
OUTRANCE
Trump est impressionné par Poutine et respecte Le Pen dans son extrémisme, laquelle se laisse flatter par Poutine et a adopté Trump comme modèle. Lors du consternant débat de mercredi dernier, Marine Le Pen a dépassé Trump dans l’outrance. Quant à Poutine, le dirigeant le plus talentueux et redoutable de la planète, il s’amuse de la France en jouant le séducteur avec Le Pen et il se rit de Trump, l’hurluberlu.
Comment expliquer que des Québécois se sentent en communion d’esprit avec un autocrate russe, ex-directeur du KGB, un nationaliste nostalgique, qui veut reconquérir le monde? Comment des Québécois si allergiques à la corruption, si revendicateurs en faveur de la liberté, peuvent-ils fermer les yeux sur la violence dont use leur idole pour mater l’opposition russe?
Qu’ont-ils en commun, les laudateurs québécois de Trump, ce manipulateur de faits, dont l’ignorance abyssale de l’histoire mondiale nous met dans des transes? Pourquoi Trump, qui souhaite négocier avec le délirant Kim Jong-un, parce que «tout se négocie», comme il aurait voulu le faire avec tous les tyrans sanguinaires du 20e siècle, commande-t-il le respect de tant de Québécois qui le portent dans leur coeur et croient qu’il incarne le peuple, les petites gens qui travaillent, paient leurs impôts contrairement à lui, mais n’ont pas les moyens de voler dans un avion Boeing à leur nom?
NATIONALISMES
Les Québécois défenseurs de Marine Le Pen s’identifient à son combat, mais ne semblent pas bien connaître les sources de son nationalisme, qu’ils comparent avec le nationalisme québécois. Marine Le Pen, bien que non fasciste, contrairement à son père, hérite du nationalisme français antisémite, celui de la France de la collaboration avec le régime nazi. Or, le nationalisme progressiste du PQ de René Lévesque n’a rien à voir avec celui du Front national.
La colère de ces Québécois ne suffit pas à expliquer leur fascination pour le trio inquiétant dont deux dirigent leur pays.
L’ignorance ouvre ainsi la porte à des adhésions dont on ose imaginer les conséquences politiques.