Vives tensions autour des territoires autochtones
BRASILIA | Le responsable des questions autochtones au Brésil a fait les frais hier des tensions entre les peuples autochtones et le lobby de l’agrobusiness, cinq jours après une brutale attaque subie par la tribu amazonienne des Gamela.
Antonio Fernandes Toninho Costa, président depuis janvier de la Fondation nationale de l’indien (FUNAI), placée sous la tutelle du ministère de la Justice, a été démis de ses fonctions. L’exécutif met en cause son manque «d’efficacité», une version contestée par l’intéressé et plusieurs ONG du secteur.
Le gouvernement du président conservateur Michel Temer est sous pression depuis l’attaque menée dimanche dernier par quelque 200 hommes munis de machettes et d’armes à feu, liés à des fermiers locaux, qui a fait 13 blessés parmi les Gamela occupant des terres dans l’État de Maranhao (nordest).
Jeudi, l’ONU a exprimé son «inquiétude» et «exigé» que les autorités «fassent preuve d’une tolérance zéro face [...] à la gravité des violences contre les autochtones et à l’impunité de leurs agresseurs».
Les terres censées être réservées aux autochtones sont de plus en plus grignotées par l’expansion agricole, donnant lieu parfois à des affrontements sanglants.
PAS À LA HAUTEUR
Le gouvernement considère que M. Costa ne s’est pas montré à la hauteur de ces enjeux. «Étant donné l’extrême importance que le gouvernement donne à la question indienne, l’organisme a besoin d’une gestion plus agile et efficace, ce qui n’était pas le cas», a justifié le ministère dans un communiqué.
M. Costa considère pour sa part qu’il paie le prix de sa résistance face au puissant lobby de l’agrobusiness, très présent dans la base parlementaire du gouvernement Temer. Il fustige notamment le chef de la majorité à la Chambre des députés, André Moura, lié à ce lobby ainsi qu’aux églises du mouvement charismatique.
«J’ai été démis de mes fonctions parce que je n’ai pas accepté la demande d’André Moura de faire travailler dans la FUNAI une vingtaine de personnes qui n’ont jamais vu d’autochtones de leur vie», a-t-il déclaré au site d’informations G1.
Le ministre de la Justice, Osmar Serraglio, en prend également pour son grade. «Les peuples autochtones ont besoin d’un ministre qui rende la justice, pas d’un ministre qui sert une cause personnelle», s’est insurgé M.Costa devant des journalistes, quelques heures après son limogeage.
Mardi, il avait rappelé qu’une réduction budgétaire de 44% empêchait la FUNAI de mener à bien la démarcation des territoires.
ABSENCE DE SOLUTIONS
Les associations de défense des autochtones soutiennent également que la mise à l’écart de M. Costa est le fruit d’une «décision politique».
«Il a été limogé parce qu’il rejetait l’instrumentalisation et la subordination de la FUNAI aux intérêts de l’agrobusiness et des fondamentalistes religieux», a affirmé Cleber Buzzatto, responsable du Congrès missionnaire indien (CIMI), une organisation liée à l’Église catholique.
En plus de critiquer la lenteur des démarches de démarcation des territoires, le gouvernement a aussi pointé du doigt l’absence de «solutions rapides» face au blocage de routes par des autochtones qui protestent contre l’expansion agricole dans plusieurs États du Brésil.