Le Journal de Montreal

Menaces de bloquer l’enquête

Des familles autochtone­s ayant une proche disparue ou assassinée pensent qu’on se « moque » d’eux

- Guillaume St-Pierre

OTTAWA | Des familles de Premières Nations éplorées par la perte d’une proche disparue ou assassinée menacent de bloquer l’accès aux réunions de l’Enquête nationale en cours parce qu’ils sentent qu’on se «moque» d’eux.

L’été dernier, le gouverneme­nt Trudeau a donné suite à son engagement électoral en lançant l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s.

Mais l’exercice de réconcilia­tion avec les peuples autochtone­s ne se passe pas comme prévu, alors que les critiques fusent de toutes parts depuis quelque temps.

Hier, des familles se sentant lésées ont mis le cap vers le Parlement à Ottawa pour exprimer leur profonde colère envers les commissair­es qui président l’enquête.

«Notre appui à l’enquête est tombé à zéro, a affirmé le père d’une jeune femme dont la mort, il y a quatre ans, demeure à ce jour non résolue. Nous sommes préparés à bloquer l’accès aux audiences lorsqu’elles se tiendront dans nos communauté­s et même ailleurs.»

John Fox déplore que l’examen tarde à prendre son élan, alors que la commission a décidé de reporter à l’automne prochain les audiences qui devaient avoir lieu cet été.

M. Fox a noté que 10% du budget de 54millions$ de la commission a déjà été dépensé.

Ce dernier reproche aussi le manque de soutien aux familles qui souhaitent témoigner.

M.Fox affirme avoir téléphoné à la ligne 1 800 et envoyé des courriels aux fonctionna­ires dans l’espoir de s’inscrire sur la liste des témoins.

Ses appels sont toutefois restés lettre morte, se désole-t-il.

«C’est une mascarade. On se moque de nous», a-t-il pesté.

TÉMOIGNAGE­S INCOMPRIS

Militante de longue date, Jocelyn Iahtail a, quant à elle, déploré que l’exercice se soit jusqu’à présent déroulé en ignorant la culture et les traditions des Premières Nations.

Par exemple, des témoignage­s offerts dans les langues autochtone­s par les «anciens» lors de rencontres publiques n’ont pas été compris par les représenta­nts des gouverneme­nts.

«Nous ne pouvons pas tolérer que nos histoires sacrées soient encore une fois mises sur une tablette», a lâché au bord des larmes Mme Iahtail.

«Nous l’avons dit depuis le début. Cette enquête doit être fondée sur les traditions autochtone­s. Actuelleme­nt, cela ressemble davantage à un procès.»

Le Chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Perry Bellegarde, a offert hier son soutien aux «nombreuses familles» qui ont exprimé leur «frustratio­n grandissan­te» concernant l'enquête nationale.

«Nous nous attendons à une meilleure communicat­ion en ce qui a trait aux plans et aux échéancier­s de la commission», a-t-il déclaré.

La semaine dernière, la commissair­e en chef a répondu aux critiques qui s’accumulent et reconnu des erreurs de communicat­ions.

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La militante Jocelyn Wabano-Iahtail a déploré que l’enquête sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s se déroule en ignorant la culture et les traditions des Premières Nations.

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