Des travailleurs intimidés par des grévistes en colère
Des travailleurs et entrepreneurs en construction terrorisés se disent suivis et intimidés parce qu’ils refusent de faire la grève comme leurs collègues.
«On peut être 150 à 200 ici à déranger tout le voisinage […] alors la meilleure affaire à faire c’est de prendre vos outils et de partir aujourd’hui», hurle un gréviste à des travailleurs qui s’étaient présentés sur un chantier.
Cette scène, tirée d’une vidéo dont Le Journal a obtenu copie, s’est répétée à plusieurs reprises ces derniers jours alors que des employés de la construction préfèrent continuer de travailler plutôt que de joindre leurs collègues dans le mouvement de grève.
Plusieurs d’entre eux ont accepté de partager leurs expériences sous le couvert de l’anonymat afin d’éviter de subir des représailles.
Un entrepreneur explique qu’il a dû renvoyer chez eux tous les travailleurs sous sa responsabilité hier puisqu’il craignait pour leur sécurité.
«Mes camions se font suivre par des grévistes qui leur bloquent les routes et qui ne les laissent pas décharger une fois qu’ils sont arrivés au chantier», a-t-il raconté.
«On travaillait dans un sous-sol mercredi avant-midi et 15-20 grévistes sont arrivés et se sont mis à cogner dans les vitres en nous criant des insultes», a témoigné un autre travailleur.
REPRÉSAILLES
Selon la façon de faire décrite par plusieurs de ces entrepreneurs et travailleurs qui se disent intimidés, les grévistes se présentent en petit nombre sur un chantier en activité pour faire du repérage. Ils menacent ensuite les travailleurs présents de revenir en plus grand nombre si les activités ne cessent pas.
«Dans ces conditions là j’ai préféré demander à mes gars de rester chez eux», dit un entrepreneur qui emploie de nombreux sous-traitants.
«La chose que je crains le plus, c’est les représailles, car ils ont pris en note la plaque de mon camion», raconte un inspecteur sous le couvert de l’anonymat.
PRATIQUES ILLÉGALES
Le vice-président de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) qui représente la partie patronale se dit «outré» par ces tentatives d’intimidation.
«Ça demeure une pratique illégale, de faire de l’intimidation sur les chantiers en disant qu’il y aura des représailles, dit-il. Les gens ont le droit de faire la grève, mais aussi le droit de travailler.»
Le porte-parole de l’Alliance syndicale, Nicolas Roussy a lui aussi condamné ces gestes d’intimidation qui sont, selon lui, contraires aux indications données aux grévistes.
«Le mot d’ordre, c’est d’aller à la rencontre des travailleurs et de les informer des revendications, dit-il. En aucun cas, on invite les gens à intimider les travailleurs.»
Selon lui, une enquête pourrait être ouverte à savoir si ces gestes d’intimidation ont bel et bien été posés par des membres de l’Alliance syndicale.