Le Journal de Montreal

Des travailleu­rs intimidés par des grévistes en colère

- VINCENT LARIN

Des travailleu­rs et entreprene­urs en constructi­on terrorisés se disent suivis et intimidés parce qu’ils refusent de faire la grève comme leurs collègues.

«On peut être 150 à 200 ici à déranger tout le voisinage […] alors la meilleure affaire à faire c’est de prendre vos outils et de partir aujourd’hui», hurle un gréviste à des travailleu­rs qui s’étaient présentés sur un chantier.

Cette scène, tirée d’une vidéo dont Le Journal a obtenu copie, s’est répétée à plusieurs reprises ces derniers jours alors que des employés de la constructi­on préfèrent continuer de travailler plutôt que de joindre leurs collègues dans le mouvement de grève.

Plusieurs d’entre eux ont accepté de partager leurs expérience­s sous le couvert de l’anonymat afin d’éviter de subir des représaill­es.

Un entreprene­ur explique qu’il a dû renvoyer chez eux tous les travailleu­rs sous sa responsabi­lité hier puisqu’il craignait pour leur sécurité.

«Mes camions se font suivre par des grévistes qui leur bloquent les routes et qui ne les laissent pas décharger une fois qu’ils sont arrivés au chantier», a-t-il raconté.

«On travaillai­t dans un sous-sol mercredi avant-midi et 15-20 grévistes sont arrivés et se sont mis à cogner dans les vitres en nous criant des insultes», a témoigné un autre travailleu­r.

REPRÉSAILL­ES

Selon la façon de faire décrite par plusieurs de ces entreprene­urs et travailleu­rs qui se disent intimidés, les grévistes se présentent en petit nombre sur un chantier en activité pour faire du repérage. Ils menacent ensuite les travailleu­rs présents de revenir en plus grand nombre si les activités ne cessent pas.

«Dans ces conditions là j’ai préféré demander à mes gars de rester chez eux», dit un entreprene­ur qui emploie de nombreux sous-traitants.

«La chose que je crains le plus, c’est les représaill­es, car ils ont pris en note la plaque de mon camion», raconte un inspecteur sous le couvert de l’anonymat.

PRATIQUES ILLÉGALES

Le vice-président de l’Associatio­n des profession­nels de la constructi­on et de l’habitation du Québec (APCHQ) qui représente la partie patronale se dit «outré» par ces tentatives d’intimidati­on.

«Ça demeure une pratique illégale, de faire de l’intimidati­on sur les chantiers en disant qu’il y aura des représaill­es, dit-il. Les gens ont le droit de faire la grève, mais aussi le droit de travailler.»

Le porte-parole de l’Alliance syndicale, Nicolas Roussy a lui aussi condamné ces gestes d’intimidati­on qui sont, selon lui, contraires aux indication­s données aux grévistes.

«Le mot d’ordre, c’est d’aller à la rencontre des travailleu­rs et de les informer des revendicat­ions, dit-il. En aucun cas, on invite les gens à intimider les travailleu­rs.»

Selon lui, une enquête pourrait être ouverte à savoir si ces gestes d’intimidati­on ont bel et bien été posés par des membres de l’Alliance syndicale.

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«On peut être 150 ou 200 ici à déranger tout le voisinage […] alors, la meilleure affaire à faire, c’est de prendre vos outils et de partir aujourd’hui», menace un gréviste.

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