Le chemin du Roy relie Montréal et Québec ( 1737 )
nous mesurons mal aujourd’hui les efforts prodigieux qu’il a fallu faire pour ouvrir, sans machinerie lourde, à la force des bras, à l’aide de chevaux et de boeufs, une route reliant montréal et québec. l’inauguration du chemin du roy couronne trois décennies de labeur collectif incessant. «C’est en 1706 que le Conseil supérieur prend la décision de construire une route qui longe le fleuve, là où se trouvent les habitations, nous dit l’historien Christian morissonneau. Grâce à ses “corvées du roy”, le grand voyer Eustache lanouiller de Boisclerc peut entreprendre les travaux en 1731. Au terme du chantier, en 1737, le chemin du roy fait 7,4 mètres de largeur et s’étire sur 280 kilomètres, à travers 37 seigneuries.» Essayons de nous replonger dans le passé pour comprendre ce que signifient ces 280 kilomètres de chemin à arracher à la forêt. Peut-être qu’un pèlerin qui irait à pied de la Vieille Capitale à la Métropole aurait une meilleure idée de cette prouesse d’ingénierie. À cheval, si l’on allait vite, ça prenait deux jours, par le chemin du Roy. Trois-Rivières? On y passait la nuit. Mais je viens de commettre des anachronismes… La «Métropole», en 1737, c’est indubitablement Québec, avec ses chantiers navals et sa brasserie. Ville-Marie, devenue Montréal, n’a pas encore développé son port et rattrapé la ville de Champlain. Le cordon ombilical terrestre relie finalement les deux villes… et sur le chemin se développent de nouveaux domaines. À Montréal, au sud de l’actuelle rue Berri, se trouvait jadis la porte de Québec, aussi monumentale et belle que la porte Saint-Jean dans la capitale, qui constituait officiellement l’autre extrémité du chemin. En 1992, la Ville de Montréal, fidèle à sa médiocrité de toujours en matière de mise en valeur historique, érigea un horrible aménagement commémoratif comportant d’insignifiantes plaques, qui ont bien sûr été totalement négligées depuis. Sur les ondes de CKAC et du 98,5, j’ai constamment exhorté à ce qu’on rebâtisse la porte de Québec. Nous en avons toujours les plans! La ville de Québec a encore de magnifiques portes anciennes. Pourquoi Montréal ne ressusciterait-elle pas les siennes?
L’ÉPINE DORSALE
Mais au gouvernement, alors comme aujourd’hui, on se dit contre les reconstitutions. Ma seule consolation a été que Sammy Forcillo donne le nom de «chemin de la porte de Québec» à l’artère qui part de cet emplacement… Quant au 375e, il faut bien admettre que le passé et l’histoire n’intéressent guère nos âmes éteintes. Pourtant, la présence de ces souvenirs que l’on efface rappellerait la grandeur des hommes et des événements. Le chemin du Roy traversait-il le fleuve? demanderont les astucieux. Bien sûr qu’il fallait un traversier. Mais la route qui relie Montréal à Québec en passant par Trois-Rivières devient rapidement l’épine dorsale du pays qui se développe. Encore aujourd’hui, la mythique route Montréal-Québec, qui se fait en moins de trois heures, a une dimension symbolique. On peut dire aussi que la rivalité entre ces deux villes va maintenant être d’autant plus forte qu’il existe entre elles un lien qui les incite à se comparer sans cesse.