Vous avez dit « égalité des chances » ?
Si j’avais une ristourne sur chaque annonce tonitruante d’un gouvernement à l’autre pour une énième «nouvelle» politique de réussite éducative, je serais riche depuis longtemps. Idem pour sa dernière mouture, présentée cette semaine en grande pompe par le premier ministre Philippe Couillard et son ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx.
Dans les faits, nous voilà surtout repartis pour d’autres «chantiers», «groupes de travail», «stratégies de concertation», etc. Le gouvernement jure que d’ici 2030, il fera passer le taux de diplomation de 74 % à 85 %. En Ontario, il est pourtant déjà de 86 % et en Nouvelle-Écosse, de 87 %.
D’où le vrai scandale. Plus d’un demi-siècle après le Rapport Parent pour un système d’éducation de qualité et accessible à tous, l’école publique québécoise, elle, pâtit de plus en plus.
À vrai dire, on prend les Québécois pour des valises. À l’émission 24/60, l’ex-directrice du Devoir, Lise Bissonnette, rappelait que la «nouvelle» politique de «réussite éducative» recycle en fait des politiques passées. Lesquelles, sans surprise, n’ont mené nulle part.
LE VRAI SCANDALE
La raison? On aura beau se draper dans la vertu infinie du beau principe de l’«égalité des chances», dont fait partie le droit à une éducation de qualité pour tous, la réalité est que notre système est taillé sur mesure pour produire l’effet contraire.
En novembre, le Conseil supérieur de l’Éducation (CSE) le disait lui-même brutalement: notre système d’éducation est le plus inégalitaire au Canada. Rien de moins. Au Québec, note le CSE, il est fondé sur une «forme de ségrégation qui conduit à un système d’école à plusieurs vitesses».
Le résultat est dévastateur. Au lieu de combattre les inégalités sociales, souligne le CSE, notre système les reproduit. Le constat est gravissime.
Les problèmes sont connus. Depuis 20 ans, les effets délétères sur l’école publique de vagues successives d’austérité sont indéniables. Le gouvernement Couillard engrange un surplus de 2,5 milliards, mais il l’a fait en partie sur le dos de l’éducation et de la santé.
PROBLÈMES CONNUS
Véritable tour de Babel, nos écoles sont également à vitesses multiples. Réseaux parallèles anglophones et francophones. Écoles publiques ou privées subventionnées. Écoles confessionnelles subventionnées ou pas. Programmes sélectifs, etc.
Bref, pour la romance de l’«égalité des chances», on repassera. Si nos gouvernements croyaient vraiment en celle-ci, ils cesseraient d’affamer les trois socles sur lesquels elle repose – éducation, santé et services sociaux. Ça leur éviterait de se ruer ensuite pour leur en redonner une partie, comme par hasard, tout juste avant les élections.
Ils cesseraient aussi de subventionner des écoles dites privées à hauteur de 60 % à 70 %. En Ontario, cette ségrégation éhontée entre le public appauvri et le privé subventionné n’existe pas. Les deniers publics vont au système public, point. Et vous savez quoi? Ça fonctionne.
Mais cela n’arrivera pas au Québec. Ses élites tiennent trop à pouvoir envoyer leurs enfants au privé subventionné. Pour les autres, comme l’aurait déjà dit une certaine reine, s’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche…