ELLE A LA BOUGEOTTE
Elle l’avoue elle-même: elle a tellement besoin d’attention que cela peut en irriter certains. Eugénie-Laurence Fafard-Drareni a même quitté une école spécialisée en théâtre parce qu’elle s’y sentait mal, entourée de jeunes aussi extravertis qu’elle.
«Soit on m’aime énormément ou pas du tout, parce que je prends beaucoup de place.»
Partout où elle se trouve, elle capte le regard avec ses longs cheveux bruns, son rouge à lèvres écarlate et son éloquence. Lors du passage du Journal dans un cours de français, elle était assise au premier rang, écoutant avec un large sourire.
Moitié algérienne du côté maternel et moitié québécoise du côté paternel, elle vit dans un petit appartement du Sud-Ouest avec sa mère, Naouel Drareni.
«Toi là, tu seras première ministre du Québec un jour, tu vas changer le monde, changer les lois», se souvient avoir dit Mme Drareni à sa fille unique quand elle était bébé.
«Au primaire, j’étais la bollée de classe qui se vantait. C’était horrible, raconte l’adolescente en riant. J’ai honte quand j’y repense. Non mais, c’était triste pour les autres. Si j’avais 95 %, fallait que je le dise à tout le monde. J’avais des amis au début de l’année et je finissais par les gosser», dit-elle en riant.
TROIS ÉCOLES DIFFÉRENTES
Un peu girouette, elle a étudié dans trois écoles secondaires différentes, de son propre gré. «Je suis le genre de personne bizarre qui aime déménager», illustre-t-elle.
Elle a grandi dans le Centre-Sud, mais fait partie de ces jeunes qui ont choisi de ne pas aller à Pierre-Dupuy en raison de sa mauvaise réputation. Après avoir fait deux ans dans une école du Sud-Ouest, elle s’est inscrite à Robert-Gravel, une école publique spécialisée en théâtre située sur le Plateau-Mont-Royal.
Elle croyait qu’elle s’y sentirait à sa place, entourée de gens aussi expressifs qu’elle. Erreur. Elle ne pouvait plus être le centre de l’attention. Elle avait beau avoir du talent, elle ne pouvait plus se démarquer. Elle ne ressentait pas qu’elle appartenait au groupe, s’asseyait dans le fond de la classe et n’écoutait pas. Ses notes ont baissé.
«J’ai eu mon premier chum, j’étais distraite. C’est mon année distraite, résume-t-elle. À ce moment-là, j’avais besoin d’encadrement [de l’école].»
«L’impact du social, je l’ai tellement vu. Si ça ne va pas bien dans ta vie sociale, l’école va [écoper]. Ça va totalement de pair», remarque-t-elle.
« JE SUIS UNE ENFANT »
Elle a donc décidé de changer encore d’école et de faire ses deux dernières années de secondaire à Pierre-Dupuy pour y retrouver des amis de son ancien quartier. Et maintenant que la fin approche, elle n’est pas certaine d’être prête.
«Je suis une enfant, soupire-t-elle. Au cégep, les autres ont beaucoup plus d’attentes envers toi. Je voudrais rester à mon âge. Le temps passe trop vite.»
L’automne prochain, elle étudiera en sciences humaines profil monde au cégep. Elle s’imagine devenir diplomate, ambassadrice ou conférencière. Mais surtout globe-trotter.
«Elle a le potentiel pour aller à l’université. Si au final elle ne veut pas y aller, je ne serais pas fâchée, mais un peu déçue», avoue Mme Drareni, qui aurait elle-même aimé avoir un diplôme universitaire, mais n’en a pas eu la chance.
Eugénie-Laurence souhaiterait apprendre l’arabe, publier de la poésie, jouer au théâtre ou dans un film. «J’aime trop de choses. Je change tout le temps d’idée.»