LISE RAVARY Raciste ? Non. Stupide ? Oui.
C’est le seul mot qui me vient à l’esprit quand j’examine les images du défilé de la fête nationale qui ont fait scandale samedi. Je ne crois pas une minute que Joël Legendre, le concepteur du spectacle, est raciste. Ou qu’il ait voulu humilier qui que ce soit.
Là n’est pas la question. Tristement, les organisateurs ne semblent pas le comprendre.
Le racisme, c’est de ne pas avoir vu sur-le-champ que le char d’Annie Villeneuve, entouré d’une chorale 100 % blanche et poussé par quatre Noirs, allait envoyer un drôle de message à l’univers.
Alors que le problème était gros comme la Place Ville-Marie. Nonobstant les bonnes intentions de tous, le Québec n’est pas encore une société postraciale où personne ne remarque la couleur de l’autre.
IGNORANCE OU ARROGANCE ?
Je suis consternée par le manque de perspective et de sensibilité dont ont fait preuve les organisateurs du défilé. Ne pas avoir appréhendé que le premier tableau allait évoquer l’esclavagisme chez certains n’exonère personne, au contraire.
Ne pas savoir d’instinct que des gens allaient y trouver quelque chose de sinistre est, pour moi, impardonnable.
Quel bel exemple de myopie historique, d’ignorance volontaire, d’arrogance face à la réalité de l’autre. L’esclavage, qui se pratique encore dans le monde, n’est pas un détail de l’Histoire, un gros «oups, désolé, on ne le refera plus». L’Histoire porte des plaies qui ne se referment jamais.
Mis sur la sellette, les organisateurs et les promoteurs se sont empêtrés dans leurs clarifications, explications et justifications. Je plains l’entraîneur de l’équipe de football à laquelle appartiennent ces jeunes d’avoir eu à cautionner cette fausse bonne idée. Pauvres jeunes, pauvre lui, ils n’ont pas demandé à être entraînés dans ce scandale: ils voulaient seulement participer!
Au lieu d’offrir des excuses sincères aux personnes qui ont été heurtées par cette affaire, Maxime Laporte, le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, a préféré répéter sur toutes les tribunes que les plaintes étaient injustes et exagérées. Selon lui, les gens (sous-entendu, ceux qui se plaignent) doivent montrer un meilleur jugement.
Il faudrait peut-être qu’il regarde autre chose que son nombril.
IMAGE INTERNATIONALE
En marketing, la perception est la réalité. Le défilé de la fête nationale c’est aussi une grosse publicité pour le Québec. Chaque détail est examiné et pas seulement par des Québécois. Ou des gens bien intentionnés face au Québec.
La Société Saint-Jean-Baptiste ne comprend pas que nous vivons à l’ère numérique ni la puissance des réseaux sociaux quand vient le temps de transmettre des images embarrassantes.
L’image des quatre Noirs qui poussent le char d’ouverture a déjà été vue un million de fois. Chacun y mettra la trame sonore de ses préjugés. «Racistes, les Québécois? En voici la preuve, ladies and gentlemen!»
Rien de tout cela n’aurait eu lieu sans cette idée ridicule de ne plus utiliser de camions pour tirer les chars, au nom de l’environnement. Combien de gens se sont déplacés en auto dans le cadre du défilé? Combien de responsables se déplaceront de la même façon pour aller se mettre la tête dans le sable?