Quel jeu joue Ottawa avec Netflix et cie ?
Jamais l’avenir de notre télévision, francophone ou anglophone, n’a suscité autant d’inquiétudes. Jamais un ministre du Patrimoine n’a paru s’en préoccuper aussi assidûment. Pourtant, les appels à l’aide de tout le milieu se butent sans cesse aux propos optimistes de la ministre Mélanie Joly sans qu’elle fournisse d’indice sur la politique qu’elle entend adopter.
Une seule chose est certaine : Netflix et cie ne verseront jamais un sou de redevances pour la création de contenu canadien. Au grand dam de l’industrie qui réclame unanimement que les fournisseurs de vidéo par internet soient soumis aux mêmes règles que les fournisseurs par câble ou satellite.
L’ancien premier ministre Stephen Harper fut le premier à se prononcer contre cette hypothèse dans son tweet du 5 août 2015. « Je suis 100 % contre une taxe Netflix ; je l’ai toujours été et je le serai toujours ».
DU TRAVAIL INUTILE
L’an dernier, comparaissant devant le CRTC, Corie Wright, directrice de Netflix, avait refusé de répondre aux questions du président Jean-Pierre Blais sur le montant de leurs recettes canadiennes et le nombre de leurs abonnés. Blais avait alors menacé Netflix et ses semblables de les réglementer. Il a bien vite laissé tomber, ce qui n’est ni son genre ni son habitude.
Il y a quelques jours, le comité permanent du Patrimoine canadien, composé en majorité de députés libéraux, a recommandé que les fournisseurs d’internet versent une redevance pour la création de contenu canadien comme le font les fournisseurs de télé par câble ou satellite.
À peine sauté du lit, Justin Trudeau a tué la recommandation dans l’oeuf. Un an de travail perdu pour dix députés. Sans compter 131 témoins de partout qui ont travaillé à préparer des mémoires pour absolument rien. Que d’efforts perdus !
C’est à peine si on peut espérer que les fournisseurs américains facturent les taxes de vente comme doivent le faire Illico, tou.tv et les autres distributeurs canadiens. Le ministre des Finances Bill Morneau, semble-t-il, chercherait fébrilement un moyen d’y soumettre Netflix et cie.
LE SALUT PAR L’EXPORTATION ?
Après sa nomination à Patrimoine Canada, la rumeur veut que Mélanie Joly ait entrouvert une petite porte à la possibilité que Netflix et cie contribuent à la création de contenu canadien. Si c’est le cas, elle l’a vite refermée pour enfourcher un cheval de bataille bien différent : l’exportation. C’est de ce côté que nos producteurs doivent aller chercher les fonds additionnels nécessaires à la création de contenu original.
Même si tout le milieu est d’accord avec la ministre pour promouvoir les ventes à l’étranger, les pressions pour que le gouvernement fédéral trouve de nouvelles sources de revenus se font de plus en plus pressantes.
QUE CRAINT LE FÉDÉRAL ?
Que cache l’apparente capitulation d’Ottawa ? Son impuissance à imposer aux géants américains de l’internet une taxe qu’ils ne facturent pas chez eux ? La crainte de voir Washington faire fi de « l’exception culturelle » lors de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain ? L’espoir d’en arriver à un accord international qui ferait plier Netflix, Google, Apple et leurs pareils ? Ou l’espoir qu’ils finissent par se montrer bons princes, comme Mélanie Joly les a invités à le faire en avril dernier ?
Souhaitons qu’Ottawa n’espère pas secrètement que notre industrie de la télévision finisse par abandonner la lutte. C’est la lutte pour sa survie qu’elle mène.
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
On améliorerait le français des cégépiens en leur défendant la télé et les spectacles d’humour.