Le Journal de Montreal

Face à ses rivaux du Golfe, le Qatar joue la diplomatie de l’investisse­ment

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WASHINGTON | Si Donald Trump a accusé le Qatar de financer le terrorisme, cela n’a pas empêché le riche émirat d’afficher ses couleurs nationales sur l’Empire State Building à New York cette semaine, une façon emblématiq­ue de rappeler ses liens économique­s avec les États-Unis.

Soufflant le chaud et le froid, le président américain a donné l’impression de prendre le parti de l’isolement du Qatar dans la récente crise diplomatiq­ue qui a vu l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte rompre leurs relations diplomatiq­ues avec Doha, qu’ils accusent de « soutenir le terrorisme ».

Mais pour résister aux fluctuatio­ns de la diplomatie, le Qatar a adopté une tactique utilisée depuis longtemps par son puissant voisin saoudien : prendre de larges parts dans l’économie américaine.

Le gratte-ciel symbolique du centre de Manhattan s’est ainsi habillé de bordeaux et de blanc aux couleurs de la compagnie Qatar Airways, mais aussi du drapeau national, célébrant ostensible­ment les 10 ans de liaisons aériennes entre les deux pays.

De façon moins connue, le riche émirat pétrolier a pris une participat­ion de 10 % il y a presque un an dans le gratte-ciel de 102 étages pour quelque 622 millions de dollars.

Et il y a deux semaines, alors qu’il était au centre d’une tourmente diplomatiq­ue, le Qatar a joué la surprise en annonçant que sa compagnie aérienne publique voulait acquérir 10 % du capital d’American Airlines, la plus grosse compagnie aérienne mondiale.

ARMEMENT

Peu de temps avant, il a aussi signé un contrat de 12 G$ pour l’achat de 36 avions de chasse F-15 à Boeing : une petite fraction du contrat d’armements de 110 G$ conclu entre les États-Unis et l’Arabie saoudite lors de la visite de Donald Trump à Riad, mais suffisante pour éveiller l’attention des hommes d’affaires américains.

« Ils ont des tentacules un peu partout, c’est étonnant », a résumé Randa Slim, une experte du Middle East Institute.

C’est au Qatar que les Américains ont leur grande base aérienne où se trouve aussi le siège du Centcom, le commandeme­nt des forces américaine­s au Moyen-Orient.

Doha accueille également les antennes de prestigieu­x centres de réflexion washington­iens comme la Brookings Institutio­n ou un centre universita­ire de la Georgetown University.

Dans ces conditions, même si le président Trump a accusé le Qatar, dans un tweet au début juin, de soutenir les djihadiste­s syriens, son propre départemen­t de la Défense a assuré Doha du soutien américain, tandis que le départemen­t d’État a fait baisser la tension entre l’Arabie saoudite et le riche petit émirat.

L’OREILLE DE WASHINGTON

« De toute évidence, la Maison-Blanche ne semble pas être de leur côté, mais de puissants ministères semblent au contraire l’être », a affirmé Mme Slim, ajoutant que si le Qatar n’était « pas écouté à 100 % », il avait tout de même « l’oreille » de Washington.

Mais la puissante Arabie saoudite, deuxième fournisseu­r pétrolier des États-Unis et alliée majeur de Washington, conserve une position privilégié­e.

Lorsque le président américain a préparé sa visite en Arabie saoudite, en mai, Riad a promis un investisse­ment de 20 G$ dans un fonds d’infrastruc­tures géré par le groupe Blackstone, dont le président milliardai­re Stephen Schwarzman est un soutien important de M. Trump.

Cette participat­ion intervient après le juteux contrat d’armement de 110 G$ ainsi que plusieurs contrats bénéfician­t à General Electric et Lockheed Martin.

– Douglas Gillison, Agence-France-Presse

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PHOTO AFP Un homme regarde les gratte-ciel de Doha, la capitale du Qatar, qui fait face à un isolement diplomatiq­ue imposé par ses voisins du Golfe.

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