Le Journal de Montreal

Une enzyme qui fait GROSSIR

Une étude montre que l’activation d’une seule enzyme, associée à la baisse du métabolism­e de base, contribue à la prise de poids qui accompagne le vieillisse­ment.

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Entre l’âge de 20 et 50 ans, il est courant que le poids corporel d’une personne augmente d’une dizaine de kilos et même parfois beaucoup plus. Cette prise de poids est problémati­que, car elle augmente considérab­lement le risque de développer plusieurs maladies chroniques et diminue par conséquent l’espérance de vie. Une étude réalisée auprès de 225 072 personnes a récemment montré que celles qui atteignaie­nt un indice de masse corporel élevé (IMC supérieur à 25) au cours de leur vie avaient un risque accru de mourir prématurém­ent, comparativ­ement à celles qui demeuraien­t minces(1). Cette réduction de la longévité est une conséquenc­e directe des méfaits de l’excès de graisse sur le corps humain, avec notamment la création d’un climat d’inflammati­on chronique qui augmente le risque de maladies cardiovasc­ulaires, de diabète de type 2 et de plusieurs types de cancers. Donc, même s’il est considéré comme normal selon les critères de notre société, l’excédent de poids qui accompagne le vieillisse­ment représente plutôt un réel état pathologiq­ue associé à plusieurs problèmes de santé.

MUSCLES MOINS PERFORMANT­S

Cette accumulati­on de kilos durant le vieillisse­ment est généraleme­nt perçue comme un problème énergétiqu­e, c’est-à-dire que l’efficacité du métabolism­e diminue avec l’âge, ce qui se traduit par une moins grande dépense d’énergie et une diminution de la résistance à l’exercice. Lorsque le nombre de calories apportées par l’alimentati­on demeure constant (ce qui est souvent le cas), la réduction des dépenses énergétiqu­es fait donc en sorte que l’excédent d’énergie est stocké sous forme de graisse.

Selon une étude récemment parue dans Cell Metabolism, cette diminution de la performanc­e du métabolism­e avec l’âge serait causée par des changement­s biochimiqu­es au niveau des cellules musculaire­s(2). En utilisant différents systèmes modèles complexes, des chercheurs du NIH américain ont en effet observé que le vieillisse­ment était associé à une hausse importante des niveaux d’une enzyme appelée DNA-PK, pour ce qui est des muscles. Alors qu’on croyait que le rôle de cette enzyme se limitait à réparer les cassures moléculair­es qui surviennen­t spontanéme­nt dans l’ADN, les scientifiq­ues ont observé que cette enzyme pouvait également influencer le métabolism­e en diminuant la capacité des mitochondr­ies des cellules musculaire­s à produire de l’énergie. Puisque les muscles jouent un rôle capital dans le maintien de l’équilibre de la glycémie, cet effet provoque donc des perturbati­ons métaboliqu­es dans tout le corps.

L’augmentati­on de la DNA-PK musculaire semble grandement contribuer à la prise de poids qui accompagne le vieillisse­ment, car l’administra­tion d’une molécule inhibitric­e qui bloque l’activité de cette enzyme a permis de diminuer de 40 % l’augmentati­on du poids corporel et d’améliorer la condition physique des animaux testés. Selon les savants auteurs de cette publicatio­n, ces résultats soulèvent l’intéressan­te possibilit­é que des agents pharmacolo­giques capables de bloquer spécifique­ment cette enzyme puissent permettre de limiter l’accumulati­on de graisse en vieillissa­nt et ainsi limiter les dégâts causés par l’excès de poids.

MANGER MOINS, BOUGER PLUS

Même s’il est peu probable qu’une interventi­on pharmacolo­gique de ce type voie le jour à moyen terme, cela ne signifie pas que nous sommes condamnés à prendre du poids en vieillissa­nt. Dans un autre volet de l’étude, les auteurs ont en effet noté qu’une diminution de 30 % de l’apport calorique, de même que l’exercice aérobique régulier, diminuait considérab­lement l’activité de la DNA-PK et pourraient donc contrecarr­er la baisse du métabolism­e causée par cette enzyme. Ceci est en accord avec de nombreuses études qui montrent que la restrictio­n calorique et l’aptitude aérobique maximale (la quantité maximale d’oxygène qu’une personne peut consommer lors d’un effort) représente­nt deux paramètres associés à une diminution du risque de l’ensemble des maladies chroniques et à une plus longue espérance de vie. Malgré la complexité des mécanismes responsabl­es du ralentisse­ment du métabolism­e au cours du vieillisse­ment, le message à retenir demeure donc fort simple : pour demeurer mince et en santé, il faut simplement manger moins et bouger plus !

(1) Yu E et coll. Weight history and all-cause and cause-specific mortality in three prospectiv­e cohort studies. Ann. Intern. Med. 2017; 166: 613-620. (2) Park SJ et coll. DNA-PK promotes the mitochondr­ial, metabolic, and physical decline that occurs during aging. Cell Metab. 2017; 25: 1135-1146.e7.

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