D’immenses nuées de papillons confondues avec de la neige
La tordeuse des bourgeons de l’épinette qui ravage les forêts se déplace en quête de nourriture
Les papillons de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, qui ravage les forêts du Québec, sont actuellement si nombreux que les radars météo les ont pris pour des tempêtes de neige dans l’est de la province.
L’épidémie de cet insecte destructeur, qui sévit depuis plus de 10 ans dans la province, continue de gagner du terrain, à la plus grande crainte des producteurs forestiers. Déjà, plus de sept millions d’hectares de forêt sont infestés, soit 140 fois la taille de l’île de Montréal.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, les radars météo du gouvernement canadien montraient une tempête de neige qui s’abattait au sud de la Côte-Nord et dans le Bas-Saint-Laurent. Mais les redoutés flocons blancs n’étaient nuls autres que des papillons en quête d’endroits où pondre leurs oeufs.
« Il y en a des millions et des milliards qui se dispersent ainsi d’une région à l’autre [...] avec les vents, ils peuvent parcourir jusqu’à 200 km en l’espace d’une nuit », soutient le chercheur en écologie forestière, Yan Boulanger, qui étudie les répercussions de ces déplacements.
Ses recherches pour le Service canadien des forêts visent à déterminer où se déplace l’épidémie, alors que de plus en plus de régions du Québec sont touchées.
Après la Côte-Nord, l’Abitibi et le Saguenay, de plus en plus de tordeuses des bourgeons de l’épinette sont dorénavant observées dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, les Laurentides et le Centre-du-Québec.
EN QUÊTE DE NOURRITURE
« Le plus gros n’est pas encore passé, ce n’est que le début des vols de masse », observe le chercheur. Il est encore trop tôt pour dire où se dirigent les papillons, vraisemblablement à la recherche de nouvelle nourriture.
En 2013, ces vols de masse avaient frappé l’imaginaire à Rimouski, quand les papillons des tordeuses qui ravageaient la Côte-Nord ont traversé le fleuve Saint-Laurent. Des vitrines de commerces et des voitures étaient complètement recouvertes d’insectes.
Ces vols, qui se produisent seulement durant les épidémies, ont lieu chaque année, selon M. Boulanger, mais prennent plus d’ampleur tous les quatre ou cinq ans, lorsque les arbres commencent à mourir dans un secteur.
COUPES PRÉVENTIVES
Pour sa part, Yves Laurencelle, propriétaire d’une forêt privée au sud de la Côte-Nord, où l’insecte gagne du terrain, sera obligé de couper ses sapins cet été s’il veut éviter de les perdre.
« Ce sont des arbres qui devaient attendre encore 15 ans avant d’être à maturité. Je devais les couper pour ma retraite, financièrement ça vient déjouer mes plans », dit l’homme de 45 ans, qui voit ses voisins faire la même chose.
De l’autre côté du fleuve, le président du Syndicat des producteurs de bois de la Côte-du-Sud, Noël Dionne, contacte aussi les propriétaires de forêts privées pour qu’ils fassent des coupes préventives.
« C’est ce qu’on voit se dessiner à l’horizon et on n’a aucun contrôle », remarque-t-il, impuissant. « La grosse question, c’est de savoir si les usines pourront tout absorber », s’inquiète M. Dionne.
« IL Y EN A DES MILLIONS ET DES MILLIARDS QUI SE DISPERSENT AINSI D’UNE RÉGION À L’AUTRE » – Yan Boulanger, chercheur