Coeur d’animal
C’est l’été, la classe politique va s’adonner bientôt aux traditionnels regroupements autour des grillades sur charbon de bois et autres épluchettes de blé d’Inde, en évitant les pelures de bananes pour faire le moins de vagues possible. Aussi bien traiter d’un essai qui sort de l’ordinaire et qui en même temps tombe à point, en cette saison du BBQ.
Ça nous prend un certain temps avant de nous habituer à cette correspondance qu’un humain adresse aux animaux (lesquels exactement, on ne le sait pas), car ce n’est pas tous les jours qu’on peut observer un tel phénomène.
Le premier précepte, c’est que les animaux que nous consommons sont aussi sensibles, « et parfois même aussi intelligents », que nos animaux de compagnie. J’ai un peu de difficulté à associer une dinde à un épagneul, surtout ceux qui rôdent dans certains aéroports pour renifler d’éventuelles quantités de drogue camouflées dans les valises de voyageurs, mais bon, jouons le jeu.
Je me souviens de la première fois où j’ai visé un lièvre ou une perdrix avec un fusil de chasse. Je n’en faisais pas une gloire et ce n’était pas par plaisir malsain d’abattre une bête, mais bien par désir de me nourrir de ce qui m’entourait dans la forêt. Même chose avec le poisson pêché dans la rivière et grillé le plus rapidement possible sur un feu de bois. Je ne me suis jamais arrêté à la possible souffrance de la bête abattue. Celle-ci a sans doute certains attributs indiscutables, mais ceux-ci n’en font pas, à mon avis, des individus uniques, singuliers, conscientisés. Et puis, il y a une énorme différence entre assister au jeu de massacre d’un taureau dans une arène et manger du cochon de lait. Je connais un vieux paysan cubain qui est devenu, dans son village, le spécialiste de l’asado, de la viande grillée sur charbon de bois. Pour lui, le cochon qu’il prépare est le meilleur ami de l’homme, l’animal le plus complet pour nourrir les gens de son village. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit de le martyriser avant de le tuer ni de lui planter des dards « juste pour le fun ». Il le respecte et lui voue un culte presque sacré.
UN MONDE D’ÉMOTIONS
L’auteur situe à environ 15 000 ans avant notre ère la pratique de l’élevage de nombreuses espèces animales. Était riche et puissant celui qui possédait un gros troupeau. D’ailleurs, « le mot argent (pecunia) est tiré du mot pecus, le bétail ». Des écrivains comme La Fontaine, Montaigne et, plus près de nous, Boris Cyrulnik ont tenté des rapprochements entre les comportements de l’humain et ceux de l’animal, nous obligeant à « de nouveaux concepts de pensée, à inventer de nouvelles méthodologies d’expérimentation moins rigides ».
Nous en sommes venus ainsi à admettre que les animaux « ressentent de la peur, de la colère, de la tristesse, de la joie, de l’amour, de l’amitié, du désir, du plaisir, de la répulsion, de la contrariété, de l’attachement et, bien entendu, de la souffrance tant physique qu’émotionnelle ». Des expériences faites avec les grands chimpanzés démontrent qu’ils sont capables de faire preuve d’intelligence, en développant certains outils nécessaires à leur survie, ou des capacités cognitives parfois supérieures à celles des humains.
À l’instar des humains, il faut distinguer différentes catégories et singularités chez nos amis animaux. Les éléphants, par exemple, peuvent prévoir un orage très longtemps à l’avance « parce qu’ils possèdent une capacité extraordinaire à percevoir les infrasons ». On a pu prouver que la vache se sent bien en troupeau, ou que d’autres animaux sont capables de compassion en adoptant des bébés animaux, orphelins ou abandonnés. Sans parler du sens aiguisé de l’orientation chez les oiseaux migrateurs ou du langage de certains mammifères marins.
Sans prôner le végétarisme à outrance, cet ouvrage a le mérite de nous encourager à une plus grande conscience de la nature dans toutes ses multiples créations et facettes. Manger moins de viande ne peut qu’être bénéfique pour soi et pour notre environnement.