Le Journal de Montreal

Cédrika, 10 ans déjà

Martin Provencher n’est pas prêt à tout savoir, même 10 ans après le meurtre non résolu de sa fille

- AMÉLIE ST-YVES

TROIS-RIVIÈRES | Dans quelques jours, cela fera 10 ans que Martin Provencher a reçu l’appel que tout parent redoute : sa petite Cédrika n’était pas rentrée à la maison et était introuvabl­e.

Le meurtrier court toujours, une décennie plus tard, et le père n’est toujours pas préparé à savoir tout ce qui est arrivé à sa fille le soir du 31 juillet 2007, même s’il souhaite plus que tout que le meurtrier soit arrêté.

« S’ils arrêtent quelqu’un, et qu’il y a procès, on n’aura pas le choix [de savoir]. À ce moment-là, est-ce que je vais décider d’y être et de tout entendre ? Je ne le sais même pas encore », dit-il.

Dans une entrevue touchante accordée au Journal, Martin Provencher a évoqué le cauchemar qu’il vit depuis 10 ans. L’homme passe rapidement du sourire aux larmes quand il parle de sa fille Cédrika, qu’il aimait du plus profond de son coeur.

Les deux dernières années ont été particuliè­rement éprouvante­s, depuis la découverte des ossements de Cédrika par des chasseurs dans un boisé de Saint-Maurice, en Mauricie, en décembre 2015. Il y a eu les funéraille­s de sa fille et l’arrestatio­n du principal suspect... dans un autre dossier (voir encadré).

PAS PRÊT

Le 31 juillet 2007, vers 20 h 30, la petite Cédrika Provencher, 9 ans, était partie jouer au parc avec des amis quand elle a été enlevée, près du parc Chapais, à Trois-Rivières. Des témoins ont rapporté avoir vu une Acura rouge, et que la petite aidait un homme à retrouver son chien noir et blanc plus tôt dans la soirée.

M. Provencher n’est pas prêt à apprendre ce qu’on a fait à sa fille, après son enlèvement. Pour l’instant, le vase est trop plein.

Il n’arrive toujours pas à accepter que le corps de sa petite fille, qui était si enjouée, ait possibleme­nt dépéri pendant huit ans dans un boisé en bordure de l’autoroute 40.

« Une fois, je me promenais en moto dans ce coin-là. J’ai été obligé d’arrêter, je n’étais plus capable de conduire. Juste de me dire qu’il y a quelqu’un qui l’a prise et laissée là, la rage te pogne, et c’est ça qu’il faut éviter », explique-t-il.

LONG CALVAIRE

Ce qui restait de l’enfant a été retrouvé huit ans après son enlèvement, le 11 décembre 2015, par des chasseurs.

« Vraiment, quand les policiers viennent te l’annoncer, tu pleures comme un bébé. C’est bizarre comme sensation, parce que tu as réellement une délivrance. Et tu as énormément de peine », raconte Martin Provencher, les yeux dans l’eau.

Il est allé sur les lieux, pendant que les centaines de policiers passaient le site au peigne fin.

« C’est passé inaperçu, mais les policiers nous ont amenés. Personne n’a rien vu », poursuit-il.

Voir tous les toutous entassés sur les clôtures à l’entrée du site a fait du bien au père, qui s’est senti soutenu par toute une population dans cette épreuve.

FUNÉRAILLE­S

Cédrika aura finalement eu droit à des funéraille­s en août dernier, neuf mois après la découverte de son crâne. Environ 300 personnes se sont déplacées pour la cérémonie sobre, à l’abri des médias.

« Tu vas mener ton enfant en terre quand ça fait neuf ans que tu ne l’as pas vue. C’est chargé d’émotion », dit-il en pleurant.

Il souhaite maintenant que la police mette la main au collet de l’homme qui a tué sa fille. En attendant, il laisse sortir ses émotions tranquille­ment.

« Quand tu cherches pendant huit ans, tes émotions, tu les mets de côté, parce qu’on n’aurait pas été capable de faire ce qu’on a fait là. Mais tu as beau avoir une pelure d’oignon bien épaisse, dès que tu enlèves la première couche, tu as juste le goût de pleurer », dit-il.

 ??  ??
 ??  ??
 ?? PHOTOS COURTOISIE, MARTIN PROVENCHER ET D’ARCHIVES ?? Martin Provencher ne sait pas comment il a fait pour survivre au cauchemar qui perdure depuis 10 ans. Il dit avec candeur qu’il n’a pas eu le choix de continuer à avancer. La disparitio­n de Cédrika Provencher (en mortaise) a marqué tout le Québec, il y...
PHOTOS COURTOISIE, MARTIN PROVENCHER ET D’ARCHIVES Martin Provencher ne sait pas comment il a fait pour survivre au cauchemar qui perdure depuis 10 ans. Il dit avec candeur qu’il n’a pas eu le choix de continuer à avancer. La disparitio­n de Cédrika Provencher (en mortaise) a marqué tout le Québec, il y...

Newspapers in French

Newspapers from Canada