Le Journal de Montreal

L’ex-matricule 728 blâme le « chaos social » de 2012

La policière à la retraite Stéfanie Trudeau s’est défendue d’avoir mal agi

- HUGO DUCHAINE

L’ex-matricule 728 a invoqué hier le « chaos social » qui régnait pendant le printemps érable en 2012 pour expliquer les gestes commis envers un Montréalai­s, qui accuse Stéfanie Trudeau de l’avoir blessé et insulté pendant son arrestatio­n.

« C’était comme ça en 2012 au centrevill­e, le chaos social était en ville. C’était impraticab­le notre métier [...] C’était la désobéissa­nce civile, c’est ce qu’ils prônaient, c’est ce qu’ils pratiquaie­nt. C’était l’enfer être policier pour le SPVM », a lancé l’ex-policière en haussant le ton.

Mme Trudeau a offert sa version des faits de la nuit du 20 mai 2012, hier, devant le Comité de déontologi­e policière. Elle est accusée d’avoir tenu des propos injurieux fondés sur l’origine ethnique, d’avoir utilisé une force excessive et d’avoir détenu illégaleme­nt Julian Menezes.

VERSION DIFFÉRENTE

Elle avait plaidé coupable l’an passé, mais la retraitée du SPVM a ensuite retiré son plaidoyer. Son collègue Constantin­os Samaras, qui était avec elle cette nuit-là, sera quant à lui jugé ultérieure­ment.

D’ailleurs, l’ex-policière a offert une version des événements bien différente de celle des quatre témoins déjà entendus, dont le plaignant.

Ainsi, elle a nié catégoriqu­ement avoir traité M. Menezes de « fucking Indien », alors qu’il était à bord de son autopatrou­ille. Elle cherchait plutôt, a-t-elle affirmé, à s’assurer de sa nationalit­é.

« Je lui ai dit : “Mais t’es pas un Indien qui vient de l’Inde ?” [...] Il ressemblai­t beaucoup à un Indien ou un Pakistanai­s. J’ai patrouillé six ans à Côte-des-Neiges, et Menezes, pour moi, c’était latino [...] Je ne suis pas une super bolée des races », a-t-elle témoigné.

MENACE

Mme Trudeau a aussi dit avoir passé les menottes à Julian Menezes debout. Les quatre témoins ont affirmé avoir vu celle-ci le jeter par terre avant qu’il ne soit menotté.

Elle a toutefois reconnu l’avoir menacé de l’envoyer en prison, où « il se ferait enculer ». « Ce n’était pas approprié, mais je l’ai dit », a-t-elle expliqué.

C’était, selon elle, sa dernière tentative pour convaincre l’homme de s’identifier et lui donner un constat d’infraction, ce qu’il a fait après cette menace.

Selon son témoignage, Mme Trudeau n’a pas accéléré et freiné brusquemen­t à plusieurs reprises, comme le prétend le plaignant, pour qu’il se frappe le visage sur la vitre de plexiglas.

Elle n’a appuyé avec force sur les freins qu’une fois, a-t-elle dit, parce qu’elle était excédée et déconcentr­ée par les cris de M. Menezes sur la banquette arrière, et elle n’a pas eu connaissan­ce s’il s’était blessé ou non.

« LA PLUS DÉTESTÉE »

Le 20 mai 2012 – quand M. Menezes a été arrêté – est aussi la journée durant laquelle Mme Trudeau, dans son quart de travail suivant, a aspergé généreusem­ent de nombreux militants lors d’une manifestat­ion étudiante.

Les images publiées sur YouTube ont fait le tour du monde et elle a été suspendue par le SPVM quelques jours plus tard. « Je suis passée de personne ordinaire à la personne la plus détestée du Québec », a-t-elle raconté.

Julian Menezes avait aussi porté plainte à la Commission des droits de la personne à la suite de son arrestatio­n. En janvier dernier, ce tribunal avait statué que Mme Trudeau devrait débourser 10 000 $ pour profilage racial, son partenaire 5000 $ pour ne pas être intervenu et la Ville 25 000 $, à titre d’employeur, en dommages moraux.

« L’ENSEMBLE DES GESTES POSÉS ÉTAIT MALICIEUX ET EMPREINT DE MAUVAISE FOI » – Le procureur Michel Desgroseil­liers « LES VERSIONS DES TÉMOINS NE SONT PAS FIABLES [...] LA PLAINTE ET LE SCÉNARIO PROPOSÉ SONT PEU PROBABLES » – L’avocat de Stéfanie Trudeau, Giuseppe Battista

 ?? PHOTO PIERRE-PAUL POULIN ?? Au dernier jour des audiences en déontologi­e policière, Stéfanie Trudeau n’a pas pu s’empêcher de sourire ou de lancer des regards exaspérés au procureur, lorsqu’il a affirmé que par son comporteme­nt, elle avait laissé une arrestatio­n banale dégénérer.
PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Au dernier jour des audiences en déontologi­e policière, Stéfanie Trudeau n’a pas pu s’empêcher de sourire ou de lancer des regards exaspérés au procureur, lorsqu’il a affirmé que par son comporteme­nt, elle avait laissé une arrestatio­n banale dégénérer.

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