Le Journal de Montreal

Merci, mon Général !

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Charles de Gaulle est l’incarnatio­n d’une France qui n’existe plus. L’homme qui a défié Hitler, qui a refusé l’occupation de son pays demeure une des figures historique­s les plus marquantes et les plus libres de l’Histoire universell­e.

Il avait une certaine idée de la France, indissocia­ble de la passion incandesce­nte qu’il éprouvait pour elle. Dans sa vision, les « Français du Canada » signifiaie­nt la seule branche des Français ayant pris racine hors du territoire français.

Celui qui a osé crier « Vive le Québec libre » à Montréal s’inscrivait dans une continuité à la fois historique, politique et affective. L’homme qui savait que la symbolique est inextricab­lement liée à la politique est venu en bateau comme nos ancêtres en remontant le majestueux Saint-Laurent. Il débarqua à Québec pour accomplir sa mission en écrivant l’Histoire.

De Gaulle fut une figure sublimée du père venant dire aux Canadiens français, coupés de la mère patrie pendant plus de deux siècles, que la France les avait toujours aimés. Qu’ils étaient ses enfants. Que leur avenir leur appartenai­t. Et que lui seul les comprenait.

ESPOIR

Charles de Gaulle a soulevé un espoir qui a conforté les Québécois dans leur rêve d’émancipati­on. Il a fait connaître le Québec à travers la planète. Un an avant son cri lancé du balcon de l’hôtel de ville de Montréal, ce visionnair­e avait secoué le monde lors d’un discours à Phnom Penh au Cambodge. Dénonçant l’interventi­on militaire américaine au Viet Nam, il a affirmé alors le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Le Général s’est éteint en 1970. Il n’aura pas vécu assez longtemps pour voir l’élection du PQ en 1976 et les deux référendum­s de 1980 et 1995. Les Québécois en votant « non » ont indiqué que, quoiqu’enthousias­tes et émus le 24 juillet 1967, ils choisissai­ent un autre destin.

Rien de la complexité des humains, de leur faiblesse ou de leur fragilité n’échappait au grand homme. Le Général savait que le rêve d’émancipati­on et de souveraine­té collective­s ne peut devenir réalité sans risque. A-t-il cru vraiment que les Québécois allaient prendre un tel risque ?

AMBIVALENC­E

Les Québécois, dans leur confort et à l’abri des grandes tragédies mondiales, se sont toujours comportés avec ambivalenc­e lorsqu’il s’est agi de leur avenir. Yvon Deschamps a résumé cette volonté québécoise dans une formule décapante et dérangeant­e : « Un Québec indépendan­t dans un Canada fort ».

Le général de Gaulle fut l’antithèse de cette ambivalenc­e. Dès l’occupation nazie de son pays, il s’est réfugié à Londres et a appelé à la résistance le peuple français.

Les Québécois devraient éprouver de la gratitude envers Charles de Gaulle qui leur a tracé la voie de l’espoir. Hélas, l’attachemen­t à la France, la mère patrie, s’est éloigné progressiv­ement. Sauf dans le coeur de ceux qui se définissen­t toujours comme des nationalis­tes et qui souffrent en constatant que l’exaltation, la fierté et la passion du dépassemen­t collectif qui ont transfigur­é leur vie n’est plus à l’ordre du jour.

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Le Général savait que le rêve d’émancipati­on et de souveraine­té collective­s ne peut devenir réalité sans risque.
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