Le Journal de Montreal

Seuls contre la haine

- CLAUDE VILLENEUVE Blogueur des Spin Doctors claude.villeneuve @quebecorme­dia.com

Le rejet du projet de cimetière à Saint-Apollinair­e a certaineme­nt représenté toute une rebuffade pour nos concitoyen­s de confession musulmane.

Après le terrible attentat qui a emporté six des leurs en janvier, ils n’avaient pas besoin de ça. Pas davantage que de recevoir un message haineux les assimilant à des porcs, deux jours avant le vote.

À ces insultes, s’est ajoutée l’injure de l’installati­on d’une pancarte proclamant Saguenay « ville blanche », devant un cimetière où on envisage la création d’un carré musulman.

PAS EN NOTRE NOM

Ces gestes de haine deviennent trop coutumiers pour qu’on ne s’en préoccupe pas.

Lorsqu’on voit de telles manifestat­ions, notre réaction est de nous dire que ces actes ne sont pas posés en notre nom. Que les olibrius se croyant assiégés par les musulmans ne sont pas représenta­tifs du Québec. Qu’ils cherchent la solution d’un problème dont ils font partie.

Puis, quand on voit les commentair­es que ces gestes suscitent sur les réseaux sociaux, on a froid dans le dos. On constate qu’il y a une part significat­ive de gens qui banalisent ou même cautionnen­t la violence verbale et physique infligée à certains.

LARMES DE CROCODILE ?

« Ils n’ont pas d’affaire à avoir un cimetière juste pour eux ! » lit-on en réponse au message haineux reçu par le Centre culturel islamique. « Attendons l’enquête avant de critiquer les Québécois de souche », peut-on voir également, comme si le geste deviendrai­t moins préoccupan­t s’il avait été posé par un Papou, un habitant de la planète Jupiter… ou une personne d’origine arabe.

C’est d’ailleurs la prétention derrière ce sous-entendu. « Ce sont les musulmans qui font des coups montés pour encore faire pitié », avance-ton également, sans s’appuyer sur le moindre fait.

Dans tous les cas, on oublie surtout que cette communauté a été frappée de manière particuliè­rement brutale il n’y a pas un an. Nos manifestat­ions de solidarité d’alors n’étaient-elles que des larmes de crocodile ?

S’IMPLIQUER DANS LA DISCUSSION

Les politicien­s devront se mouiller. Pour l’heure, ils se contentent de la dénonciati­on d’usage, qu’ils réverbèren­t par Twitter ou Facebook, sans se soucier qu’une flopée de commentair­es haineux apparaisse­nt ensuite sous leurs publicatio­ns. Les personnes publiques doivent s’impliquer dans la discussion en ligne et l’animation de communauté.

Il en est de même de ceux qui prennent la posture « inclusive ». Depuis Bouchard-Taylor et les Pineault-Caron, ils se refusent à répondre au moindre propos qui ne correspond pas à leur opinion en arguant que ces discours ne sont pas légitimes ou encore qu’ils constituen­t autant de microagres­sions.

Trop souvent, plusieurs se contentent de prendre une capture d’écran d’un message xénophobe pour s’en moquer avec leurs amis, pointant les fautes ou les faits erronés qu’il contient.

Bref, plus personne n’engage le dialogue. Chacun demeure dans son coin, convaincu de posséder la vérité absolue de manière innée.

Pendant ce temps, les membres de la communauté musulmane restent seuls contre la haine.

Ex-rédacteur de discours de Pauline Marois

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