Miroir, miroir, dis-moi...
Il ne m’a pas fallu plus de cinq minutes vendredi après-midi pour comprendre qu’Anthony Scaramucci était le porte-parole idéal pour Donald Trump. Bel homme, articulé, ni sur la défensive ni trop confiant, personne n’a grimacé en l’entendant répondre au barrage de questions qui lui étaient adressées contrairement aux réactions courantes avec Sean Spicer.
Plus important encore, il a encensé son patron et louangé ses réussites. Il s’est humblement et très publiquement excusé pour avoir critiqué le candidat Trump pendant la campagne présidentielle (« un opportuniste… antiaméricain », « en bonne voie d’être élu président de l’association des brutes du comté de Queens » à New York).
Et il a dit et répété (au moins quatre fois) qu’il aimait le président (« I love the President ! ») et qu’il lui était « très très loyal ». Ne vous leurrez pas : Sarah Huckabee Sanders a beau avoir été nommée attachée de presse en remplacement de Sean Spicer, le nouveau visage de la Maison-Blanche sera celui de Scaramucci.
CRÉÉ À SON IMAGE
Sanders va se manger les baffes quotidiennes des correspondants ; Scaramucci sera là aux moments opportuns pour rappeler que le président fait « un boulot phénoménal ». À observer d’ailleurs la première sortie de l’ancien financier de Wall Street dans son nouveau rôle, c’est tout comme si l’on voyait et entendait le président.
Éloquent et charmeur, Scaramucci a réussi à piquer les journalistes — « Les médias sont quelque peu biaisés… » — tout en indiquant qu’il comptait simplement s’assurer que « le message du président allait être reçu par les Américains ». Pour corriger, bref, ce qu’indiquait le communiqué de la Maison-Blanche publié quelques heures plus tard, citant Donald Trump : « Nous avons accompli tellement et on nous reconnaît si peu. »
Et Scaramucci rappelle que ce président est « un gars très compétitif, un gagnant » et qu’en s’engageant auprès de lui, « ce que nous ferons, ce sera d’avoir beaucoup de victoires » (a lot of winning). Du Trump tout craché.
LE RETOUR À LA FORMULE GAGNANTE
L’ancien gestionnaire de fonds d’investissement peut bien soutenir qu’il a « beaucoup d’expérience en communication », il n’en a pas dans ce monde complexe de la stratégie de transmission de messages détaillés, fouillés sur des questions souvent nébuleuses avec des conséquences parfois dramatiques.
Ce n’est toutefois pas ce pourquoi Trump a voulu lui confier ce poste de directeur des communications de la Maison-Blanche. Il n’est pas là pour encadrer le président ou embellir ses propos. « Il a [selon Scaramucci] les meilleurs instincts politiques au monde. Il faut le laisser être lui-même. » Et il précise, plus loin dans son intervention : « Nous allons le laisser exprimer sa personnalité. »
En d’autres mots, préparez-vous au retour du Trump combatif de la campagne présidentielle, le Twitteur-enchef s’exprimant en chair et en os, cru et sans nuance, mais avec un flair indéniable pour saisir ce que les « oubliés », les « abandonnés » veulent entendre.
Ce sera du coup pour coup avec le procureur spécial Robert Mueller qui enquête sur le rôle de la Russie dans la dernière élection, avec les élus sur l’adoption d’une nouvelle assurance-maladie, d’une grande réforme fiscale et de quoi financer son mur à la frontière du Mexique. Et probablement encore avec les journalistes. Ce sera laid et spectaculaire à la fois, comme des étincelles qui vous volent au visage et vous frôlent les yeux.