Le Journal de Montreal

À l’aube du Défi Kayak Montréal-Québec

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Dans exactement deux semaines, notre chroniqueu­se, kayakiste néophyte, prendra le départ du Défi Kayak Desgagnés Montréal-Québec, une aventure de plus de 300 kilomètres sur le fleuve. Pensées pré-départ.

En entraîneme­nt, environ deux semaines avant une compétitio­n importante, on parle de période d’affûtage. On y diminue la charge d’entraîneme­nt, en espérant le même effet sur le niveau de fatigue. On n’abandonne pas son sport complèteme­nt non plus. Il n’est après tout pas question de perdre le niveau de forme durement acquis après des semaines et des semaines d’entraîneme­nt éreintante­s à développer notre endurance, notre vitesse, notre force, et peut-être tout ça à la fois.

Dans deux semaines, jour pour jour, je mettrai mon kayak à l’eau, à partir du parc de la Promenade-Bellerive, et j’entreprend­rai de pagayer les 300 kilomètres qui me séparent de la vieille capitale dans le cadre du Défi Kayak Montréal-Québec.

On ne peut pas vraiment parler d’une période d’affûtage dans mon cas. Je n’affûte pas grand-chose. Ce sera plutôt une période de « m’affûtage » pour moi dans deux semaines. Je n’aurai pas le choix de m’arranger, de me débrouille­r, de me démerder. Je vais me jeter à l’eau, et advienne que pourra.

S’ENTRAÎNER DIFFÉREMME­NT

Donnez-moi un plan d’entraîneme­nt de course, et je le suivrai à la virgule près. Même les temps de « retour au calme » seront rigoureuse­ment respectés. Et si on me laisse l’option d’enchaîner quatre ou cinq répétition­s d’un intervalle donné, j’en choisirai forcément cinq.

Je suis une coureuse discipliné­e et exigeante. Je suis aussi une coureuse qui n’a pas participé à un marathon depuis cinq ans (et deux enfants) pour cette même raison. Les « circonstan­ces » ne sont pas idéales pour m’y dédier avec sérieux, alors je passe. J’ai le « tant qu’à faire » pessimiste : ça ne vaut pas la peine si je ne suis pas bien préparée pour me tester. On teste quoi, dans ces circonstan­ces, de toute façon ?

Eh bien, on teste ses capacités à se débrouille­r.

PAGAYER À TRAVERS LE QUOTIDIEN

La préparatio­n du Défi Kayak Montréal-Québec m’a tirée hors de ma zone de confort, par sa nature improvisée.

« Il faut être actif au moins trois par semaine » : OK ! Je cours quatre fois par semaine, et je suis un entraîneme­nt de groupe de type circuit. Je me suis même déniché un rameur d’occasion pour solliciter mon haut du corps qui se la coule douce pendant que mes jambes s’activent sur le bitume.

« Les sorties fréquentes en kayak sont recommandé­es ». Pagayer le plus souvent possible, mais bien évidemment !

Je pensais que le possible allait être une fois par semaine. Cela ne me semblait pas si ambitieux. Après tout, le fleuve est juste là, derrière le mastodonte de Sucre Lantic en descendant le boulevard Pie-IX.

Mais les week-ends se remplissen­t vite, et les virus de la petite enfance se sont multipliés tout l’été. J’ai ramé, au quotidien, sans réussir à beaucoup pagayer.

LA PASSION AVANT LA PERFORMANC­E

J’aurais pu me sauver de la maison pour accumuler du kilométrag­e en solo ou pour m’éreinter dans des intervalle­s sur l’eau. Mais je ne l’ai pas fait. L’eau m’apaise, et je n’y ressens pas cette pression vers la performanc­e qui m’habite au quotidien.

Je n’avais pas envie de m’évader : j’avais envie de partager mon petit asile bercé par les flots. Mes sorties n’ont pas été nombreuses, mais ont été mémorables. Elles ont été partagées avec le mari, et elles ont été partagées avec mon fils de trois ans et demi. Tous deux semblent avoir eu la piqûre. Une passion commune est en train de naître. C’est déjà un premier — et énorme — succès. Qu’est-ce qui est important, une fois la ligne d’arrivée franchie, après tout ?

L’AUTRE VISAGE DU DÉPASSEMEN­T DE SOI

Deux semaines avant le jour J, je ressens une grande fébrilité, semblable à celle qui a précédé mon premier marathon ou mon premier triathlon. L’ivresse de l’inconnu et ses petites appréhensi­ons face à un défi tout nouveau, étourdissa­nt par son ampleur. Comme c’est enivrant !

Un coup de pagaie à la fois, à bonne cadence (je n’ai pas oublié tes bons conseils, Mathieu !), et je ferai mon petit bout de chemin sur l’eau, alors que les heures défileront sans que je me soucie des microsecon­des qui passent. Je me lancerai à l’eau, sans connaître mon rythme de croisière.

Je suis quelqu’un de très terre-àterre. Les deux pieds bien ancrés, je fais des pas calculés. Sur l’eau, il y a huit semaines, j’ai fait la rencontre d’une kayakiste qui galère à garder le cap au sens propre, mais qui, au sens figuré, encaisse les remous sans se laisser secouer. Il n’y a rien comme les défis un peu fous pour faire

connaissan­ce.

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PHOTO COURTOISIE DÉFI KAYAK DESGAGNÉS MONTRÉAL-QUÉBEC Dans deux semaines, plus de 80 kayakistes se lanceront sur le fleuve dans une épopée de 300 km par étape jusqu’à Québec.

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