Le Journal de Montreal

Interdits sur le gazon, pas dans les champs

Les produits sont prohibés en milieu résidentie­l et pourtant permis en culture

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Des pesticides sont encore autorisés en milieu agricole même si 10 entreprise­s qui les ont épandus sur des pelouses viennent d’être mises à l’amende.

Les deux produits en cause sont le chlorpyrif­os et le diazinon, deux puissants insecticid­es capables d’annihiler les fourmis, les araignées ou les punaises les plus résistante­s. Jugés dangereux pour la santé, ils sont interdits d’utilisatio­n en milieu résidentie­l depuis 2003 et 2005.

« C’est de la vieille chimie. C’est très efficace, mais au niveau des risques pour la santé, on considère que ce n’est pas acceptable », indique Pierre-Olivier Duval, du programme de conformité des pesticides de Santé Canada.

MOINS CHER

Les deux produits sont de dangereux poisons reconnus pour perturber le système nerveux chez l’humain et les espèces animales. Ils sont particuliè­rement nocifs pour les jeunes enfants, dont le système nerveux est en plein développem­ent.

L’équipe d’inspecteur­s de M. Duval en a pourtant retrouvé la trace chez 10 entreprise­s qui entretienn­ent des pelouses familiales à Mirabel, Saint-Eustache et Saint-Jérôme, notamment.

Très efficaces, ces produits sont toutefois moins chers que ceux permis pour le secteur résidentie­l, soutient M Duval.

Ils permettent donc aux entreprise­s peu regardante­s de réduire leurs coûts tout en garantissa­nt de bons résultats, explique l’expert. L’entretien des pelouses, « c’est un secteur très compétitif, dit-il. Les clients sont exigeants. »

FACILE D’ACCÈS

Ce n’est pas une excuse pour déroger à la règle, gronde Philippe Caissie, directeur technique de Weed Man Entretien de pelouses. Un des franchisés de son entreprise, Weed Man Laurentide­s-Lanaudière, a dû payer 4000 $ d’amende à Santé Canada.

« Ce n’est pas une pratique courante », assure M. Caissie. Et « ce n’est pas quelque chose qui a été fait à grande échelle », insiste-t-il.

Il n’en demeure pas moins que le chlorpyrif­os et le diazinon n’ont rien de produits de contreband­e rares. Bien que retirés du marché résidentie­l, ils restent faciles d’accès, car ils sont tous deux permis et utilisés couramment dans le secteur agricole.

CHAMPS

Appelé à justifier cette réglementa­tion à deux vitesses, M. Duval explique que, dans les champs, les règles sont très strictes.

« Au champ, on ne se promène pas à quatre pattes, comme un enfant pourrait le faire sur une pelouse. Il y a une période de retrait entre l’applicatio­n et les récoltes, pour protéger la santé », explique l’expert de Santé Canada.

Cela n’empêche toutefois pas les pesticides utilisés en agricultur­e de contaminer l’environnem­ent et d’avoir ainsi un impact indirect sur la santé humaine et animale, selon des écologiste­s.

En mars, des analyses effectuées pour le compte d’Équiterre ont notamment montré la présence du pesticide atrazine dans l’eau potable de Montréal. Bien qu’autorisé par Santé Canada, ce produit est connu pour empêcher le développem­ent normal d’un foetus chez les femmes enceintes qui y sont exposées.

Newspapers in French

Newspapers from Canada