Solidarité contre générosité CLAUDE VILLENEUVE
Ex-rédacteur de discours de Pauline Marois
Ma dernière chronique, dans laquelle je me réjouis de la solution trouvée pour l’implantation d’un cimetière musulman à Québec, m’a valu un abondant courrier.
Ça m’a amusé. J’ai passé la fin de semaine à me faire comparer à Justin Trudeau, moi qui me considère comme un nationaliste identitaire et qui ai contribué à la charte des valeurs québécoises.
Justement, ce n’est pas de ça qu’il est question lorsqu’on parle du cimetière musulman. Il s’agit d’un enjeu qui touche notre vivre ensemble, oui, mais pas de quelque chose qui menace notre identité.
TÉMOIGNAGE DE FOI
Dans ce débat, des gens se demandent pourquoi tous les cimetières ne sont pas multiconfessionnels. Pourquoi faudrait-il se séparer après la mort ?
Un cimetière, ce n’est pas un dépotoir à morts, un endroit sanitaire pour disposer des cadavres. C’est un lieu de recueillement, où l’on s’adonne à certains rites. Dans l’histoire humaine, la sépulture précède le temple comme témoignage de la foi.
Vous préféreriez que tous les croyants se fassent enterrer au même endroit ? Dois-je comprendre que vous seriez prêts à ce que les musulmans aillent dans les églises catholiques cinq fois par jour pour prier ?
Non. Je serais bien étonné que vous en soyez rendus là.
AVOIR LE CHOIX
Plusieurs personnes reçoivent comme une manifestation de rejet le fait que les gens du Centre islamique préfèrent mener à bien leur propre projet de cimetière. Souhaitent-ils éviter de reposer près de mécréants ?
Ce n’est pourtant pas différent pour nous. Quand je vais mourir, mes proches pourront choisir de m’enterrer auprès de mon père, dans un cimetière paroissial au Lac-Saint-Jean, ou décider de me garder près d’eux, là où ils se seront établis.
Mais, à la fin, différentes options s’offriront à mes liquidateurs.
C’est exactement ce que souhaitent les musulmans, pouvoir choisir. Un promoteur leur offre un espace dans un cimetière à Saint-Augustin ? Fort bien ! Mais ils sont également libres, comme toute communauté, de se procurer un lieu zoné à cet effet et de l’aménager à leur goût, avec les partenaires qu’ils ont choisis.
LES FAITS
L’islamisme radical, ça existe. Les accommodements déraisonnables aussi. Seulement, ce n’est pas de ça qu’il est question ici. Il s’agit simplement d’une transaction privée.
Restons attachés aux faits. Il y a environ 15 000 musulmans à Québec, une ville de 550 000 habitants. Il faut reconnaître que l’invasion, si elle a lieu, est plutôt faible. Régis Labeaume, qui a obtenu une majorité de 109 000 voix aux dernières élections, ne sait pas compter s’il s’en remet à eux pour se faire réélire.
Nous, les Québécois francophones, sommes une minorité aussi. Le dernier recensement est là pour nous le rappeler. La communauté arabo-musulmane, très scolarisée et maîtrisant le français, peut être une alliée dans notre volonté de durer.
Pour y arriver, on ferait peut-être mieux de solliciter sa solidarité en échange de notre générosité. Ce serait une option plus prometteuse que de réagir en assiégés.