Le Journal de Montreal

J’entrevois le déclin de Netflix

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Nous n’avons jamais regardé autant de télé, de films et de vidéos. Vingt-neuf heures par semaine ! Trois heures de plus qu’il y a quelques années. Diffuseurs et annonceurs seraient morts de rire et riches comme Crésus si tout ce temps était consacré à leurs émissions. Hélas ! c’est loin d’être le cas. Le tiers de ce que nous regardons est relayé par internet plutôt que par le câble, le satellite ou les ondes hertzienne­s.

N’importe quel téléspecta­teur bénéfician­t de l’internet à une vitesse raisonnabl­e — c’est le cas de la majorité — peut regarder légalement des milliers d’émissions et de séries qui viennent de partout. Si une certaine « illégalité » vous est acceptable — ce qui n’est pas mon cas —, la plupart des grandes chaînes de télé du monde sont à votre portée.

Personne, mais absolument personne n’aurait pu prévoir une avancée pareille lorsque la télévision était captive des ondes hertzienne­s ou du câble. Seul Marshall McLuhan en a eu l’intuition, au milieu des années 1960, lorsqu’il a exposé sa théorie du « village global », une théorie qui a pourtant peu à voir avec la mondialisa­tion de la culture et de l’informatio­n qu’internet rend possible.

L’IDÉE QUI A TOUT CHANGÉ

Il y a moins de cinq ans, lorsque Netflix a commencé sur internet la distributi­on des films et séries de son catalogue, Reed Hastings, son fondateur, n’avait sûrement pas mesuré toutes les conséquenc­es de son geste. Tout en ouvrant pour lui un véritable coffre aux trésors, c’est une « canne de vers » qu’il a ouverte pour tous les diffuseurs et les distribute­urs.

Netflix fut d’abord leur ennemi numéro 1. Puis, les uns après les autres, distribute­urs et diffuseurs ont appliqué le vieux dicton anglais : If you can’t beat them, join them !

D’abord honnis par les producteur­s, ceux-ci courtisent maintenant Netflix dans l’espoir qu’il participe au financemen­t de leurs production­s. C’est ainsi que la CBC a financé sa série Anne. Pour l’instant, Anne est disponible pour tous les abonnés de Netflix à travers le monde, sauf pour les abonnés canadiens.

Le succès de Netflix a fait naître toute une kyrielle de concurrent­s. Certains très importants comme Google, Apple et YouTube, et d’autres, plus modestes comme tou.tv, illico et Crave TV, chez nous.

LE DÉCLIN DE NETFLIX

Netflix, Google et les « majors » n’en restent pas moins les concurrent­s les plus sérieux des producteur­s. Leurs poches sont profondes et ils n’auront bientôt plus d’autre choix que de produire eux-mêmes de plus en plus d’oeuvres originales.

Les meilleurs jours de Netflix et de ses semblables sont déjà derrière eux. Les grands réseaux de télé comprennen­t maintenant qu’ils n’ont pas intérêt à enrichir Reed Hastings en lui faisant exploiter leurs production­s. Pourquoi ne pas les exploiter euxmêmes en puisant comme Hastings dans la poche du spectateur tous les mois ?

Netflix, Apple, Google et compagnie devront donc produire de plus en plus de séries originales parce qu’ils auront pour leur faire une concurrenc­e directe les production­s et le répertoire de tous les grands réseaux. Les sports profession­nels les imiteront aussi. Plutôt que céder leurs droits aux réseaux de télévision traditionn­elle, ils les exploitero­nt eux-mêmes en créant leurs propres chaînes internet auxquelles il faudra s’abonner, évidemment.

Jadis gratuite, la télévision de demain nous coûtera de plus en plus cher. Combien ? C’est la question à laquelle je ne saurais répondre.

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Couillard BBQ : tous nos poulets sont grillés sur les braises de l’intoléranc­e.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada