Le Journal de Montreal

La grande misère des francophon­es hors Québec

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Toronto a perdu depuis longtemps sa mauvaise réputation. Il y a plus de 50 ans quand j’ai travaillé dans cette ville pour la première fois, c’était l’enfer tous les dimanches : pas une âme qui vive dans les rues, pas un seul établissem­ent ouvert, rien d’autre à boire que l’eau du lac Ontario. Aujourd’hui, plus personne ne parle de « Toronto la pure » et pas un Torontois ne dit « speak white » à quelqu’un qui parle français.

Ce n’est pas que les Torontois de souche aient perdu toute velléité raciste, mais ils sont devenus imperméabl­es aux langues étrangères. Dans les rues, on parle tamil, chinois, népalais, italien, polonais et même français. Presque toujours par des Montréalai­s qui sont à Toronto par affaires.

La Ville Reine est aussi cosmopolit­e que Londres. Les minorités visibles comptent maintenant pour plus de la moitié de la population et les francophon­es y sont au 16e rang. Même si 4,5 % des Torontois se disent d’origine française, seulement 1 % d’entre eux parlent français à la maison.

CHERCHEZ LE FRANÇAIS !

Le français étant l’une des deux langues officielle­s du pays, la télévision aurait pu constituer un puissant allié des francophon­es qui vivent hors Québec, mais elle est loin de jouer son rôle. Dans les grands hôtels torontois, par exemple, c’est le parcours du combattant pour trouver sur son téléviseur le réseau français de Radio-Canada ou la chaîne TV5. Syntoniser TVA ou UNIS TV tient presque de l’exploit.

Dans un « effort » évident de relations publiques, Bell Média présente sur Bell Fibe TV une série francophon­e intitulée Rencontres. La série, réalisée par Brennan Martin, a été écrite par Florian François, un jeune acteur parisien établi à Toronto depuis quatre ans. Rencontres compte 10 épisodes d’une douzaine de minutes chacun, qui seront disponible­s en rafale à compter de demain sur le site de Bell Fibe TV1.

L’ENFER EST PAVÉ DE...

C’est difficile de regarder objectivem­ent une série où tant de bonnes intentions crèvent les yeux. C’est encore plus difficile de la critiquer quand on constate le peu de moyens dont disposaien­t ses créateurs. Dans Rencontres, Florian François joue le rôle d’un touriste français qui entre en relation avec des Torontois dont la plupart ne parlent pas sa langue. Certains sont de passage, d’autres habitent Toronto. Malgré tout, Florian et son interlocut­eur d’occasion arrivent à communique­r.

Les dialogues dits en langue étrangère (cela comprend aussi le français) sont sous-titrés pour que la série soit bilingue. Ces brèves rencontres servent aussi de prétexte à montrer des images plus ou moins familières de Toronto.

Bell Média ne s’est pas ruinée pour la production de cette série qui ne fera pas époque dans l’histoire de la télé. Selon ce que j’en sais, ses créateurs ont dû recourir au sociofinan­cement pour arriver à la mettre en chantier. Le communiqué qui fait la promotion de la série prend soin de souligner qu’elle a été réalisée en entier en moins de cinq mois avec les moyens du bord (guérilla style technique, peut-on lire textuellem­ent !). Ce n’était pas nécessaire de le mentionner, c’est une évidence.

Voilà une série qui justifie très bien qu’on s’insurge contre l’assoupliss­ement des contrainte­s imposées par le CRTC aux chaînes de télévision. C’est aussi un parfait exemple du peu de cas qu’on fait des auditoires francophon­es hors Québec.

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