Le Journal de Montreal

Prêt á tout pour conduire á nouveau

Le jeune camionneur a failli périr lorsqu’il a percuté un viaduc avec son poids lourd

- VINCENT LARIN

Après avoir perdu sa jambe dans un grave accident de la route, Alexandre Martel fait tout en son pouvoir afin de reprendre place derrière le volant de son poids lourd le plus vite possible.

« Je pourrais m’apitoyer sur mon sort, mais je ne veux pas, dit-il. J’ai eu tellement de chance, tout ce que je veux, maintenant, c’est pouvoir conduire à nouveau. »

Il y a un peu plus de deux semaines, le jeune homme de 22 ans a bien failli périr dans la carcasse de son poids lourd lorsqu’il a percuté un viaduc après de l’aquaplanag­e à la hauteur de Rivière-Beaudette, en Montérégie. Maintenant qu’il se considère comme « sauvé » même s’il y a laissé sa jambe gauche, il veut à tout prix retrouver son volant.

Cinq fois par semaine, Alexandre faisait l’aller-retour entre sa ville d’origine, Drummondvi­lle, et Kingston, en Ontario, en passant par Montréal pour livrer de la marchandis­e.

RECOUVERT D’ESSENCE

Mais le matin du 18 août dernier, il s’est fait surprendre par la pluie très dense alors qu’il rentrait chez lui, sur la route 401.

Son camion a fait une mise en portefeuil­le. « Je me faisais pousser par ma remorque, je ne contrôlais plus rien », se souvient-il.

À 105 km/h, il a ensuite percuté de plein fouet les poutres de béton du viaduc.

« Si la porte de son camion ne s’était pas arrachée, il ne serait probableme­nt pas ici pour en parler, puisque ça lui a permis d’être éjecté du camion », lâche son père, Sylvain Martel.

Mais Alexandre s’est retrouvé recouvert d’essence, puisque son réservoir endommagé fuyait. Pour se sauver, il a arraché lui-même son pantalon, qui est resté accroché à une partie de la carcasse du camion.

« Par chance, il pleuvait, parce que ça aurait pu prendre en feu rapidement », explique-t-il.

TROIS OPÉRATIONS

Il s’est ensuite traîné sur plusieurs mètres jusqu’à un muret où des automobili­stes immobilisé­s par l’accident sont venus à son secours.

« Un monsieur me disait de garder les yeux ouverts, de rester avec lui, mais je ne pouvais pas, j’avais le visage couvert d’essence et ça brûlait », raconte Alexandre.

Il a dû subir trois opérations, dont deux pour retirer l’essence toujours dans sa cuisse.

«Parfois j’ai des douleurs fantômes, et je sens encore que j’ai deux jambes», dit-il.

Mais tout cela ne l’a pas empêché de garder le moral et de progresser très rapidement dans sa réadaptati­on.

Lorsque Le Journal l’a rencontré, hier, Alexandre manoeuvrai­t avec habileté son fauteuil roulant dans les couloirs de l’Institut de réadaptati­on Gingras-Lindsay-de-Montréal. « Ma cousine est paraplégiq­ue et elle m’a montré à faire du basketball en fauteuil roulant », dit-il.

UN MORAL D’ACIER

Le jeune homme espère pouvoir retourner dans sa famille les prochaines fins de semaine. Il souhaite plus que tout retrouver sa fille de 5 mois et sa conjointe, qui font des allers-retours Drummondvi­lle-Montréal pour le voir.

« Je vais encore pouvoir faire du sport et conduire des camions, poursuit le jeune homme avec aplomb. Je préfère de loin penser à ça plutôt qu’à ma jambe et j’espère pouvoir montrer à ma fille comment son père est fort. »

Le jeune père ne compte pas perdre son objectif de vue. Son patron est même la première personne à qui il a téléphoné après sa première opération.

« J’ai voulu m’excuser d’avoir détruit son camion, c’était tellement une machine », se rappelle-t-il, sourire en coin.

Le père d’Alexandre a lancé une campagne de sociofinan­cement pour permettre à son fils d’avoir de l’argent en vue de ses traitement­s. Il espère aussi pouvoir couvrir les frais engendrés par les déplacemen­ts de la famille entre Drummondvi­lle et Montréal.

« SPORTJE VAIS ET ENCORE CONDUIRE POUVOIRDES CAMIONS.FAIRE DU JE PRÉFÈRE DE LOIN PENSER À ÇA PLUTÔT QU’À MA JAMBE ET J’ESPÈRE POUVOIR MONTRER À MA FILLE COMMENT SON PÈRE EST FORT. » – Alexandre Martel, camionneur

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PHOTO VINCENT LARIN Sylvain Martel (à gauche) va soutenir son fils, Alexandre, dans les étapes de sa réadaptati­on.

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