Le Journal de Montreal

Une société d’État a raison de sa PME

Un entreprene­ur se retrouve avec une dette de 80 000 $ à cause d’un contrat révoqué par une société d’État

- CHARLES LECAVALIER

QUÉBEC | Un jeune entreprene­ur de Québec a dû faire appel à un huissier pour récupérer des milliers de dollars que lui devait le gouverneme­nt, mais son litige avec l’État lui a toutefois coûté son entreprise.

Méconnue, Rexforêt est une filiale d’Investisse­ment Québec responsabl­e de la réalisatio­n des travaux sylvicoles en forêt publique. C’est le principal donneur d’ouvrage dans cette industrie. La majeure partie des contrats est confiée de gré à gré, mais Skoven, la petite entreprise de plantation d’arbres de Guillaume Huot, a réussi à remporter deux appels d’offres en 2014.

L’aventure se termine toutefois très mal pour M. Huot : le 8 août de la même année, il est convoqué dans les bureaux de Rexforêt. On lui annonce qu’il n’aura plus jamais de contrats avec eux, que la portion qui restait à payer pour son travail effectué dans une forêt à proximité de La Tuque ne serait pas versée et que son deuxième contrat lui est retiré. Il sera rapidement donné de gré à gré au géant canadien Forêt de demain.

ARBITRAGE

Le jeune entreprene­ur se retrouve avec une dette de près de 80 000 $ et il est en arbitrage pour récupérer cette somme.

En juin 2017, il a toutefois obtenu un jugement en sa faveur qui a forcé Rexforêt à le compenser pour la rupture de contrat. « J’ai récupéré 12 000 $ aux petites créances, sur 22 000 $ », dit-il.

Malgré tout, Rexforêt tarde à le payer. M. Huot doit alors faire appel à un huissier pour récupérer son argent. « Imaginez, j’ai dû menacer de saisir leurs ordinateur­s pour obtenir l’argent, et c’est le gouverneme­nt ! » dénonce-t-il.

« La vérité, c’est qu’ils ne veulent pas des petits joueurs. Ils n’aiment pas ça, les appels d’offres », déplore Guillaume Huot.

REXFORET SE DÉFEND

Le directeur général de l’organisme, Marc Lamontagne s’est expliqué : « C’est tout simplement un délai administra­tif chez nous qui est responsabl­e de ça. La machine a un petit peu retardé, mais on a fini par payer », a-t-il dit en entrevue. Il défend cependant la décision d’exclure Skoven. Il affirme que le taux de qualité du projet de Skoven à La Tuque était de 48,5 %, bien en deçà de la moyenne québécoise. Il a toutefois refusé de remettre au Journal cette analyse, qui n’a pas non plus été présentée à Skoven et à son avocat.

M. Huot, qui dément les prétention­s de Rexforêt, a demandé à un ingénieur forestier du groupe CAF de faire une contre-expertise, qui montre plutôt un taux de qualité de près de 90 %.

Il croit que Rexforêt a voulu le casser. La société d’État lui réclame une somme additionne­lle de près de 100 000 $, car elle estime que Skoven a détruit 77 000 plants.

En 2015, Rexforêt lui a proposé de retirer cette réclamatio­n. En échange, il devait laisser tomber sa demande d’arbitrage pour se faire payer son contrat et il devait signer une clause de confidenti­alité. « J’étais très fâché », a-t-il dit.

Aujourd’hui, il a quitté le milieu de la plantation. Il espère toutefois avoir gain de cause pour éponger ses dettes.

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 ?? PHOTO DIDIER DEBUSSCHÈR­E ?? Guillaume Huot se sent un peu comme David contre Goliath alors qu’il doit lutter contre une société d’État pour éponger ses dettes.
PHOTO DIDIER DEBUSSCHÈR­E Guillaume Huot se sent un peu comme David contre Goliath alors qu’il doit lutter contre une société d’État pour éponger ses dettes.

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