Le Journal de Montreal

Legault dans les mythes

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

François Legault travaille fort actuelleme­nt pour mobiliser les mythes fondateurs du Québec. Aide-t-il ainsi vraiment le Québec ?

À son aile jeunesse, en fin de semaine, le chef caquiste a lancé le défi de provoquer une « nouvelle Révolution tranquille ».

La semaine dernière, il se désolait publiqueme­nt de l’abandon par Philippe Couillard des projets de grands barrages hydroélect­riques.

Toutes les sociétés ont leurs mythes fondateurs que tous les politicien­s cherchent à exploiter. Aux États-Unis, peut-il y avoir un discours clé, pendant une campagne, sans qu’on entende un candidat faire référence au « rêve américain » ?

Au Québec, François Legault a raison, la Révolution tranquille et les barrages sont cruciaux.

DISQUE USÉ

Le mythe de la Révolution tranquille a des vertus, mais c’est peut-être une mauvaise inspiratio­n pour le présent.

Toutefois, le disque commence à être usé.

Bernard Landry et Lucien Bouchard invoquaien­t souvent de la Révolution tranquille (RT).

Jean Charest aussi — les mythes fondateurs sont transparti­sans —, surtout après qu’il eut abandonné le concept de réingénier­ie.

Quant au mythe un peu plus rouge des barrages — qui vient de Robert Bourassa —, Charest en a beaucoup usé. Après lancement de La Romaine, le PLQ l’avait même sacré « grand bâtisseur » dans la lignée de vous savez qui.

Nos mythes peuvent stimuler. Lorsqu’on fait référence à la Révolution tranquille, par exemple, on cherche à stimuler l’imaginatio­n des citoyens et des électeurs, à les convaincre qu’on peut agir, changer le Québec pour le mieux.

Invoquer la Sainte-RT pose toutefois un certain nombre de problèmes aujourd’hui.

NOIRCIR LE PASSÉ ET FAUX ESPOIRS

D’une part, comme toute histoire révolution­naire, elle noircit à l’excès l’« ancien régime », qui prend la forme d’un immense repoussoir. La mémoire devient manichéenn­e.

Dans cette perspectiv­e, le passé lointain n’a plus rien à nous apprendre et, quand on l’invoque, on en exige une version épurée conforme aux valeurs actuelles (d’où l’épidémie de révisionni­sme : on déboulonne des statues, on rebaptise les rues).

D’autre part, invoquer la Sainte-RT crée de faux espoirs. Au sens où l’on donne l’impression qu’on peut reproduire à volonté en politique l’enthousias­me d’une époque bien particuliè­re, les années 1960, où tout était à construire : systèmes scolaire et de santé, aide sociale, développem­ent culturel, entre autres.

Or, bien que le Québec ait encore à construire, il a surtout besoin de beaucoup d’entretien. En grande partie de ces mêmes systèmes et infrastruc­tures construits à l’époque de la Sainte-RT.

Le Québec d’aujourd’hui fait aussi face à des phénomènes démographi­ques inverses de ceux des années 1960, notamment un vieillisse­ment rapide de sa population active.

Aussi, la RT peut être mauvaise conseillèr­e pour le présent. Pour M. Legault, il s’agit de promettre, encore une fois, « une autre baie James », même si nous avons de considérab­les surplus énergétiqu­es.

Les rivières qui pourraient accueillir de grands barrages sont tellement éloignées que le coût de l’électricit­é qu’on y produirait serait probableme­nt trop élevé.

Et exporter de l’électricit­é chez nos voisins canadiens ou américains ne se fait pas en criant le mot « ambition », comme semble le croire M. Legault. Il pourrait donc faire un meilleur usage de nos mythes.

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