Un concert de rap annulé après un rapport de police
La Ville de Sherbrooke reconnaît aujourd’hui avoir commis une erreur
Un concert de rap a été annulé par la Ville de Sherbrooke après que la police eut remis un rapport sur les risques de dérapage que présentait l’événement.
Dans ce document, que Le Journal a pu se procurer, le Service de police de la Ville de Sherbrooke (SPVS) estimait que le concert des rappeurs Rymz et Mike Shabb, prévu samedi prochain dans la salle communautaire de l’école Montcalm, présentait « un risque important de débordements ».
Le texte pointait la présence probable de mineurs, alors qu’un permis d’alcool avait été demandé, mais aussi les propos des deux rappeurs et la supposée rancoeur envers les autorités sherbrookoises de l’un d’eux, Mike Shabb.
Le SPVS conseillait en conséquence à la Ville, propriétaire de la salle, de réévaluer son contrat, qui semblait « problématique », selon les auteurs du rapport. La recommandation a été suivie puisque le concert a finalement été annulé.
« Nos avocats sont sur le dossier et nous ne comptons pas en rester là, indique Carlos Munoz, le gérant de Rymz. Ce que nous craignons, c’est que cette histoire établisse un précédent et que d’autres villes finissent par nous refuser elles aussi. »
Rymz, dont le vrai nom est Rémi Daoust, travaille depuis neuf ans comme éducateur dans un foyer géré par la Direction de la protection de la jeunesse à Montréal.
Un fait que les auteurs du rapport ont ignoré, préférant mettre en avant les collaborations de l’artiste avec le rappeur Souldia, décrit dans le document comme étant lié au gang de rue 187 et ayant eu des démêlés avec les autorités par le passé.
« Ce rapport m’a fait rire, m’associer aux gangs de rue, c’est franchement ridicule, se défend Rymz. J’ai près de 200 concerts à mon actif et il ne s’est jamais rien passé de négatif à un de mes shows. »
Le dernier album du rappeur est nommé dans la catégorie hip-hop au prochain gala de l’ADISQ.
UNE ERREUR
Du côté de la Ville de Sherbrooke, on reconnaît aujourd’hui avoir commis une erreur. « Le contrat signé aurait dû être honoré, explique Serge Paquin, président du comité exécutif de Sherbrooke. Le fonctionnaire en charge a pris sur lui d’annuler le concert alors que ce qu’on aurait dû faire, c’est s’assurer qu’il se déroule dans des conditions sécuritaires et que les mineurs ne soient pas admis. »
M. Paquin précise aussi que des discussions sont en cours pour dédommager au moins un des artistes et que le concert pourrait finalement se dérouler au Théâtre Granada, au centre-ville.
« Le promoteur a posé une option sur une date en janvier, mais rien n’est encore signé, explique la directrice de la salle, Suzanne-Marie Landry. Nous allons nous assurer que le promoteur présente les garanties nécessaires niveau sécurité. »
FAIRE PEUR
Le journaliste musical au magazine Voir, Olivier Boisvert-Magnen, note que ce type d’annulation est de plus en plus fréquent dans le rap québécois.
« Certaines peuvent être plus ou moins justifiées, mais celle-ci est incompréhensible, estime-t-il. Aucun de ces deux artistes n’a de passé criminel. »
« La police a peur de ces événements, pense le chef de pupitre du site spécialisé en rap québécois hhqc.com, Samuel Daigle-Garneau. Puisqu’elle ne peut pas les interdire, elle organise une campagne de peur pour que les villes le fassent. »