Cohabitation entre forts et faibles
Un père de Gatineau a lancé un mouvement afin de dénoncer la compétition que se livrent des écoles
Des parents ne veulent plus que les écoles privées et publiques sélectionnent les meilleurs élèves pour des programmes enrichis, ce qui abaisserait le niveau des classes régulières. La Commission scolaire de Montréal appuiera ce soir un mouvement dénonçant cette situation.
Des écoles publiques sélectionnent en effet leurs élèves dans des programmes spéciaux, comme l’école internationale ou l’anglais intensif. Ces programmes permettent à ces élèves d’être stimulés, mais cette pratique affaiblit le niveau des classes régulières, ce que dénoncent plusieurs parents.
« C’est de l’écrémage », s’exclame Stéphane Vigneault. Ce père de Gatineau a fondé le mouvement L’école ensemble, qui tente de convaincre les partis politiques de cesser le financement aux écoles privées et de mettre fin à la sélection des élèves au public.
Les organisateurs ont recueilli plus de 2000 signatures dans une pétition.
Environ 40 % des élèves évoluent en dehors de l’école publique régulière, selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques.
La Commission scolaire de Montréal (CSDM), la plus grosse du Québec, appuiera le mouvement dans une résolution du conseil des commissaires, ce soir, a appris Le Journal.
REFUSÉE À 5 ANS
« Les examens d’entrée au primaire, tout le monde se dit que ça n’a pas de maudit bon sens. Mais comme on veut le meilleur pour nos enfants, on le fait pareil », ironise un père de Montréal. Sa fille de 5 ans a été refusée dans une école internationale cette année.
Il a préféré taire son nom pour ne pas nuire à son emploi dans la fonction publique, mais, comme beaucoup d’autres, il trouve que la sélection des élèves entraîne des inéquités.
Selon trois experts consultés, les recherches montrent que les élèves faibles ont tendance à s’améliorer lorsqu’ils sont mélangés avec d’autres meilleurs qu’eux. À l’inverse, ils vont moins bien réussir s’ils ne sont qu’entre eux.
Or, les élèves forts vont bien réussir même si on les place avec des élèves moins forts. Cela s’explique probablement par le fait que les jeunes de milieu défavorisé ont moins de modèles éduqués à la maison, suggère Alain-Guillaume Marcotte-Fournier, qui a fait son mémoire de maîtrise sur la question à l’Université de Sherbrooke.
La CSDM a donc décidé de retirer certains critères de sélection pour se joindre à des programmes enrichis, ce qui les rendra plus accessibles (voir tableau).
HAUT POTENTIEL
Pourquoi revoir ainsi les règles de sélection ? Parce qu’en les assouplissant, Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM, souhaiterait que les élèves forts et moins forts puissent davantage se côtoyer dans une même classe.
« Pour moi, c’est fondamental […] La mixité sociale, force est de constater qu’on n’a pas réussi ça comme société, au Québec ».
De leur côté, des parents ont toutefois de la difficulté à imaginer un système scolaire sans sélection.
« C’est la crainte des parents d’enfants doués : que leur enfant manque de stimulation. En tant que mère, ma principale préoccupation est que mes enfants aillent à l’école motivés », explique Sylvie Régnier, présidente de Haut Potentiel Québec.
Certains enfants ont un tel besoin de stimulation cognitive que s’ils n’apprennent rien, ils peuvent en venir à décrocher, rappelle-t-elle.