Le Journal de Montreal

La ministre du Revenu persiste et signe

Elle ne voit pas l’utilité de rencontrer le lanceur d’alerte

- GUILLAUME ST-PIERRE

OTTAWA | Malgré l’insistance de l’opposition, la ministre du Revenu national Diane Lebouthill­ier n’a toujours aucune intention de rencontrer un lanceur d’alerte susceptibl­e d’aider le Canada à récupérer des milliards en impôt impayé.

« La ministre peut-elle expliquer pourquoi elle refuse toujours d’entendre les informatio­ns du lanceur d’alerte qui a pourtant permis aux Américains de récolter des centaines de millions de dollars? » a lancé à la période de questions le député néo-démocrate Pierre-Luc Dusseault.

« Si des individus, où qu’ils soient dans le monde, ont des informatio­ns à donner, nous avons un programme de dénonciate­urs », a répondu Diane Lebouthill­ier.

C’était la deuxième fois en autant de jours que Mme Lebouthill­ier écartait la possibilit­é de rencontrer en personne Brad Birkenfeld, un ancien banquier américain qui a retourné sa veste pour faire éclater au grand jour un scandale de paradis fiscaux lié à la banque suisse UBS.

Selon lui, des milliers de Canadiens auraient caché en Suisse quelque 7 milliards $. Or, en près de 10 ans, l’Agence du revenu du Canada a récupéré un maigre 270 millions et identifié quelque 500 fraudeurs canadiens potentiels.

DES RÉSULTATS

En comparaiso­n, le gouverneme­nt américain a récupéré quelque 5 milliards $, en plus d’imposer une amende de 780 millions à la banque suisse UBS, au coeur de l’affaire.

« Tous se souviennen­t de la fraude orchestrée par la banque UBS en Suisse pour éviter à des gens fortunés, dont des Canadiens, de payer leurs impôts au Canada », a souligné M. Dusseault lors de son interventi­on à la Chambre des communes.

« Qu’on le croie ou non, 10 ans plus tard, la ministre du Revenu national refuse toujours de rencontrer un des principaux lanceurs d’alerte dans cette affaire. C’est complèteme­nt absurde », a-t-il tonné.

Le gouverneme­nt Trudeau se défend de ne pas en faire assez pour contrer l’évasion fiscale. « Notre plan produit des résultats », a assuré Mme Lebouthill­ier. Pour preuve, 335 enquêtes criminelle­s ont été lancées et quelque 54 millions en amendes ou pénalités ont été imposés par Ottawa, a-t-elle énuméré.

Pour la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, le gouverneme­nt Trudeau rate une « occasion en or » de faire avancer des dossiers de fraude fiscale en refusant d’entendre le lanceur d’alerte.

PAS UNE PRIORITÉ

« C’est quelqu’un qui a de l’informatio­n, qui sait de quoi il parle, qui était au coeur du scandale, qui est prêt à révéler des noms et des stratagème­s, et les libéraux lui disent: “non, ça ne nous intéresse pas” », s’étonne Mme Ouellet.

Le Parti conservate­ur, qui était au pouvoir lorsque le scandale a éclaté en 2008, n’a pas souhaité commenter l’affaire cette semaine.

Le ministre de l’époque, Jean-Pierre Blackburn, avait pourtant promis de s’attaquer de front au problème.

Mais en entrevue avec Le Journal cet été dans le cadre d’une enquête publiée ce week-end, M. Blackburn a admis que la lutte aux paradis fiscaux n’était pas une priorité du gouverneme­nt Harper.

« Ça tombait un peu à côté de mon mandat », a avoué celui qui brigue aujourd’hui la mairie de Saguenay.

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DIANE LEBOUTHILL­IER Ministre fédérale du Revenu

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