Le Journal de Montreal

Le président perd et gagne en Alabama

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Le candidat au Sénat choisi par les républicai­ns de l’Alabama n’avait pas la faveur du président, mais son élection est une victoire pour le « trumpisme ».

Normalemen­t, l’élection d’un candidat républicai­n à un poste vacant au Sénat dans le « Deep South » devrait passer inaperçue, mais le choix de l’ex-juge Roy Moore par les républicai­ns de l’Alabama en vue de l’élection partielle de décembre prochain en dit long sur la droite américaine et sur le Parti républicai­n.

La nomination du sénateur Jeff Sessions au cabinet de Trump ouvrait un siège au Sénat de cet État conservate­ur du Sud, où une victoire aux primaires républicai­nes garantit habituelle­ment la victoire finale.

L’élection opposait le très conservate­ur Luther Strange, favori de l’establishm­ent du parti, à l’ultraconse­rvateur Roy Moore, qui menait les sondages. Malgré le fait que Strange a dépensé cinq fois plus en publicité et reçu l’appui de Trump, il a perdu.

UN CANDIDAT CARICATURA­L

Roy Moore est une sorte de caricature de l’extrême droite américaine d’aujourd’hui.

Dans le passé, il a tenu des propos et posé des gestes ouvertemen­t homophobes, islamophob­es, sexistes et racistes. Il prône une interpréta­tion littérale de la Bible et s’oppose à tout ce qui ressemble de près ou de loin à des idées progressis­tes. Selon Moore, il ne faisait aucun doute que Barack Obama n’était pas un Américain.

Lors de sa dernière assemblée partisane, il portait un costume de cowboy digne d’un western de série B et, pour démontrer son militantis­me pour les armes à feu, il a tiré de sa poche et brandi un pistolet.

Bref, il avait tout pour plaire à « la base ».

S’il n’avait pas l’aval du président, il avait l’appui enthousias­te de Steve Bannon et de son site Breitbart, de Sarah Palin et de Phil Robertson, vedette de Duck Dynasty. Surtout, Moore était le favori de la droite fâchée.

LE PARTI DE TRUMP

Les raisons pour lesquelles Donald Trump a épaulé le candidat de l’establishm­ent du parti malgré les sondages défavorabl­es ne sont pas claires. Peut-être souhaitait-il amadouer les républicai­ns du Congrès.

Quoi qu’il en soit, cette erreur de parcours de Trump sera vite oubliée. Ce qui est clair, c’est que le courant de droite dure à l’accent populiste qui constitue l’assise électorale de Trump, le « trumpisme », a une emprise de plus en plus solide sur le Parti républicai­n.

Pendant que ce parti choisit des candidats qui pensent moins à gouverner qu’à faire sauter la baraque à Washington, les modérés qui ont encore à coeur une gouverne rationnell­e de l’État quittent le parti.

Peut-être que les électeurs de l’Alabama y verront clair et opteront pour le démocrate, mais on peut en douter.

Comme à la présidenti­elle de 2016, les républicai­ns modérés suivront probableme­nt la ligne de parti, même si leur propre candidat ne leur inspire pas confiance.

Petit à petit, la métamorpho­se du Parti républicai­n se confirme. Le parti de Lincoln est devenu le parti de Trump.

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PIERRE MARTIN

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