Indignation mal placée
Les droits compensatoires de 220 % imposés par Washington sur le C Series de Bombardier ont provoqué un tollé général. Il est certes naturel de partager l’inquiétude des travailleurs qui voient leurs emplois menacés par l’initiative américaine.
En revanche, notre classe politique, avec ses réactions exacerbées, nous a plongés dans un pathétique mélodrame. « Absurde », « Intimidation commerciale », « Tentative d’assassinat commercial », « Décision injustifiée », etc., toutes les épithètes y sont passées pour qualifier la décision de l’Oncle Sam. Quelle hypocrisie !
TRAGIQUE
Faut-il rappeler que le Canada impose depuis plusieurs décennies des tarifs douaniers exorbitants sur bon nombre de produits importés ? Il existe notamment des tarifs allant jusqu’à 295,5 % sur le lait, 237,5 % sur le babeurre et les yogourts, 313,5 % sur le beurre, 245,5 % sur certains fromages, 238 % sur les oeufs, 249 % sur certaines viandes et volailles, et 94,5 % sur certaines céréales.
Faut-il également souligner que ces mesures ultra-protectionnistes réduisent le pouvoir d’achat des Canadiens et gonflent artificiellement leurs factures d’épicerie ? Plus tragique encore, ce sont les familles les plus pauvres qui doivent se priver de denrées essentielles pour satisfaire les lubies tarifaires d’Ottawa.
HYSTÉRIE
La décision américaine est regrettable. Mais ce n’est pas elle qui devrait susciter notre indignation.
C’est plutôt la mauvaise foi de nos élus qui appliquent en catimini les politiques qu’ils dénoncent avec passion devant les caméras. Et c’est l’insensibilité de ces mêmes élus qui saignent les plus démunis de notre société pour offrir des privilèges commerciaux à des fermiers dont l’actif financier est enviable. L’actif moyen d’une ferme laitière, par exemple, s’élève à 4 M$, tandis que celui d’une ferme du secteur de la volaille et des oeufs grimpe à 5,9 M$.
Tout en étant désopilante, l’hystérie politique des derniers jours est inquiétante. Si nos dirigeants font deux poids deux mesures en matière de protectionnisme, comment pourrions-nous croire qu’ils sont justes et équitables dans les autres dossiers ?