Des entrepreneurs dénoncent les peines minimales
Ils s’opposent à ces amendes « disproportionnées » devant le tribunal
Appuyés par leur association professionnelle, des entrepreneurs en construction s’opposent devant les tribunaux aux amendes « disproportionnées » imposées par le gouvernement du Québec, qui ne ferait aucune distinction entre la fraude et les erreurs de bonne foi.
Dans la foulée des scandales de corruption touchant l’industrie de la construction, le gouvernement a augmenté substantiellement, en 2011, le montant des amendes prévues à la Loi sur le bâtiment.
Ces modifications prévoient désormais une amende minimale obligatoire de quelque 11 000 $ pour un individu qui n’est pas titulaire d’une licence d’entrepreneur. La somme grimpe à plus de 33 000 $ pour une personne morale.
PREMIÈRE AU PAYS
Or, cette mesure, qui vise à lutter contre le travail au noir et la criminalité, a une portée trop large, estimait en juillet dernier la Cour du Québec. Pour la première fois au pays, la juge de paix magistrat Sylvie Marcotte a déclaré que l’amende minimale imposée à Raynald Bédard pour ne pas avoir eu sa licence était « cruelle et inusitée » et contrevenait à la Charte des droits et libertés.
« L’effet de la peine est exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié et à ce que mérite le défendeur », écrit-elle dans sa décision de 32 pages.
L’entrepreneur de Neuville – qui effectuait au moment de l’infraction un contrat d’à peine 240 $ – a vu sa peine être ramenée à 50 $. La cause a été portée en appel et sera entendue en Cour supérieure, en décembre.
Le Journal a aussi pris connaissance de deux autres dossiers d’entrepreneurs qui ont contesté, en tant que personne morale, leurs amendes devant les tribunaux. Tous deux remettaient en doute la constitutionnalité des sanctions. Aucun n’a toutefois eu gain de cause.
REPRÉSENTATIONS DE L’APCHQ
L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a appuyé ces entrepreneurs dans leurs démarches judiciaires. Après de longues tergiversations des représentants de l’APCHQ, l’organisation a annulé à la toute dernière minute l’entrevue prévue avec Le Journal. Elle a fait parvenir par courriel une déclaration.
« Des entreprises qui commettent des erreurs administratives de bonne foi devraient d’abord recevoir un avertissement avec une exigence de se conformer, plutôt qu’une amende disproportionnée qui menace leur survie », peut-on lire.
LOBBYISME
La division du Lac-Saint-Jean de l’APCHQ s’est par ailleurs inscrite cet été au Registre des lobbyistes afin d’inciter les élus de l’Assemblée nationale à « diminuer le nombre d’amendes qui sont émises pour des banalités ».
À titre d’exemple, une entreprise de cette région a écopé de 5500 $ d’amendes « parce que les bulletins de paie ne contenaient pas toutes les informations demandées », pouvait-on lire dans les documents officiels du Registre.