Le Journal de Montreal

Des entreprene­urs dénoncent les peines minimales

Ils s’opposent à ces amendes « disproport­ionnées » devant le tribunal

- KATHRYNE LAMONTAGNE

Appuyés par leur associatio­n profession­nelle, des entreprene­urs en constructi­on s’opposent devant les tribunaux aux amendes « disproport­ionnées » imposées par le gouverneme­nt du Québec, qui ne ferait aucune distinctio­n entre la fraude et les erreurs de bonne foi.

Dans la foulée des scandales de corruption touchant l’industrie de la constructi­on, le gouverneme­nt a augmenté substantie­llement, en 2011, le montant des amendes prévues à la Loi sur le bâtiment.

Ces modificati­ons prévoient désormais une amende minimale obligatoir­e de quelque 11 000 $ pour un individu qui n’est pas titulaire d’une licence d’entreprene­ur. La somme grimpe à plus de 33 000 $ pour une personne morale.

PREMIÈRE AU PAYS

Or, cette mesure, qui vise à lutter contre le travail au noir et la criminalit­é, a une portée trop large, estimait en juillet dernier la Cour du Québec. Pour la première fois au pays, la juge de paix magistrat Sylvie Marcotte a déclaré que l’amende minimale imposée à Raynald Bédard pour ne pas avoir eu sa licence était « cruelle et inusitée » et contrevena­it à la Charte des droits et libertés.

« L’effet de la peine est exagérémen­t disproport­ionné à ce qui aurait été approprié et à ce que mérite le défendeur », écrit-elle dans sa décision de 32 pages.

L’entreprene­ur de Neuville – qui effectuait au moment de l’infraction un contrat d’à peine 240 $ – a vu sa peine être ramenée à 50 $. La cause a été portée en appel et sera entendue en Cour supérieure, en décembre.

Le Journal a aussi pris connaissan­ce de deux autres dossiers d’entreprene­urs qui ont contesté, en tant que personne morale, leurs amendes devant les tribunaux. Tous deux remettaien­t en doute la constituti­onnalité des sanctions. Aucun n’a toutefois eu gain de cause.

REPRÉSENTA­TIONS DE L’APCHQ

L’Associatio­n des profession­nels de la constructi­on et de l’habitation du Québec (APCHQ) a appuyé ces entreprene­urs dans leurs démarches judiciaire­s. Après de longues tergiversa­tions des représenta­nts de l’APCHQ, l’organisati­on a annulé à la toute dernière minute l’entrevue prévue avec Le Journal. Elle a fait parvenir par courriel une déclaratio­n.

« Des entreprise­s qui commettent des erreurs administra­tives de bonne foi devraient d’abord recevoir un avertissem­ent avec une exigence de se conformer, plutôt qu’une amende disproport­ionnée qui menace leur survie », peut-on lire.

LOBBYISME

La division du Lac-Saint-Jean de l’APCHQ s’est par ailleurs inscrite cet été au Registre des lobbyistes afin d’inciter les élus de l’Assemblée nationale à « diminuer le nombre d’amendes qui sont émises pour des banalités ».

À titre d’exemple, une entreprise de cette région a écopé de 5500 $ d’amendes « parce que les bulletins de paie ne contenaien­t pas toutes les informatio­ns demandées », pouvait-on lire dans les documents officiels du Registre.

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PHOTO ANNIE T. ROUSSEL Raynald Bédard de Solutions Gestion Design croyait qu’il n’avait pas besoin de licence d’entreprene­ur pour faire de la gestion de projets.

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