Un nouveau casse-tête pour l’Union européenne
BRUXELLES | (AFP) Le défi indépendantiste de la Catalogne est un nouveau casse-tête malvenu pour l’Union européenne, qui espérait enfin se relever d’une décennie de crises existentielles, de la crise financière au Brexit en passant par les migrations.
« D’une certaine façon, l’UE est une institution faite pour les temps heureux. Tant que tout va bien, elle fonctionne bien. Mais dès qu’un problème surgit, elle rencontre d’énormes difficultés pour se positionner et agir », note Stefani Weiss, directrice du bureau bruxellois de la Fondation Bertelsmann.
« Ce problème s’annonçait depuis longtemps déjà », ajoute cette experte en rappelant que les indépendantistes catalans préparaient leur référendum d’autodétermination depuis des années. « Mais il n’a pas reçu l’attention requise » à Bruxelles, s’étonne-t-elle.
En témoigne le silence gêné observé avant le référendum par l’UE, tiraillée par d’autres velléités séparatistes en Flandre, Écosse, au Pays basque notamment.
Après le scrutin émaillé d’échauffourées entre électeurs indépendantistes et policiers, la Commission européenne a appelé pour la première fois au dialogue et condamné la violence comme « instrument en politique », mais en prenant soin de ne pas froisser Madrid.
Elle a ainsi répété que le référendum n’était pas conforme à la Constitution espagnole et fait valoir que « défendre l’État de droit peut parfois nécessiter un usage proportionné de la force ».
RÉACTION EN CHAÎNE
Hormis la Belgique – où les nationalistes flamands sont un poids lourd de la coalition au pouvoir – et la Slovénie – né d’une sécession de l’ex-Yougoslavie –, les capitales européennes gardent le silence ou affichent un soutien sans faille au premier ministre espagnol Mariano Rajoy.
Car même les pays les plus décentralisés craignent que le précédent catalan inspire d’autres régions séparatistes, déclenchant une réaction en chaîne qui rendrait in fine l’UE ingouvernable.
« Si aujourd’hui vous laissez la Catalogne briser l’unité de l’Espagne, cela déclenchera un effet domino sur tout le continent. Au lieu d’une Europe de 27, nous aurons une non-Europe de mini-États », a théâtralement mis en garde l’eurodéputé espagnol Esteban González Pons.
L’Union a survécu à la crise bancaire mondiale de 2007, puis aux crises de la dette qui ont failli voir la Grèce quitter la zone euro en 2015.
Elle ne s’est pas encore tout à fait remise de la profonde crise de solidarité entre Est et Ouest apparue avec la crise migratoire, bataille avec la Pologne et la Hongrie sur leurs réformes jugées « illibérales » et mène des négociations extrêmement complexes avec le Royaume-Uni en vue de sa sortie de l’UE en 2019.
VRAIS DÉFIS
Pour son discours de rentrée à la mi-septembre, le président de la Commission Jean-Claude Juncker avait jugé que le pire était passé et déroulé un programme de réformes ambitieux en claironnant que « l’Europe avait de nouveau le vent en poupe » grâce à la baisse du chômage et une timide reprise.
C’était sans compter la crise catalane, qui « est clairement un nouveau caillou dans le soulier » de l’UE, selon Frédéric Allemand, chercheur en études européennes à l’Université du Luxembourg.
Surtout si elle s’installe dans la durée. « Pendant ce temps-là, les Européens risquent de délaisser les vrais défis qui les attendent : les menaces sécuritaires globales (Corée du Nord, terrorisme, conflits au Moyen-Orient) qui nous entourent et la compétition économique mondiale », estime Mme Weiss.