Le Journal de Montreal

Pierre Desjardins avait pris la bonne décision en 1970

La décision de l’ancien joueur de ligne des Alouettes lui a permis de soulever la coupe Grey en fin de carrière

- Pierre Durocher PDurocherJ­DM

La période creuse que traversent les Alouettes n’est pas sans rappeler à leurs partisans les plus âgés les pénibles années 1960, lorsque l’équipe pataugeait dans la médiocrité.

Pierre Desjardins était alors un membre de la ligne à l’attaque qui tentait, du mieux qu’il le pouvait, de protéger un quart (Carol Williams) qui avait peur de son ombre.

Cette époque avait été fort difficile pour les Alouettes, qui avaient conservé une fiche de sept victoires, de 31 défaites et de quatre parties nulles en trois saisons avec Kay Dalton comme entraîneur-chef, soit en 1967, 1968 et 1969.

Diplômé en administra­tion à l’Université du Wyoming, Desjardins (aujourd’hui âgé de 75 ans) entendait mettre un terme à sa carrière à la fin de la saison 1969, question de consacrer tout son temps à sa carrière dans le monde des affaires.

« J’avais un emploi chez Imperial Tobacco et je voulais me retirer du football… jusqu’à ce que l’équipe annonce la nomination de Sam Etcheverry à titre d’entraîneur-chef, a rappelé Desjardins lorsque Le Journal de

Montréal l’a rencontré au tournoi de golf des Anciens Alouettes. Sam m’avait convoqué à un déjeuner pour m’implorer de poursuivre ma carrière durant une autre saison.

« Il tenait à ce que Larry Fairholm et moi soyons les cocapitain­es de la formation en 1970, en raison de notre expérience et de nos qualités de meneur. »

De poursuivre sa carrière a été la meilleure décision de Desjardins puisque les Alouettes ont remporté la coupe Grey en battant les Stampeders de Calgary par la marque de 23 à 10 à Toronto. « C’était une grosse histoire à Montréal puisque la seule conquête de la coupe par les Alouettes remontait en 1949 », a-t-il souligné.

Ralenti par des blessures en 1971, Desjardins a pris sa retraite à la fin de la campagne et dès l’année suivante, les Alouettes lui ont fait l’honneur de retirer son numéro 63.

Desjardins a alors entamé une belle carrière dans le monde des affaires, occupant des postes importants à l’Imperial Tobacco, à la Brasserie Labatt, à la papetière Domtar et chez Total Containmen­t, une entreprise américaine dans le secteur de l’équipement d’entreposag­e de produits pétroliers.

Quels souvenirs conserves-tu de cette saison 1970 ?

« Nous avions accueilli plusieurs nouveaux joueurs et l’arrivée d’un homme respecté comme l’ex-quart étoile Sam Etcheverry avait procuré un nouveau souffle à l’équipe. Nous avions tout de même connu des hauts et des bas durant la saison avant de remporter nos quatre matchs éliminatoi­res, dont deux contre les Tiger-Cats. Sonny Wade était un jeune quart talentueux et il avait su nous mener jusqu’à la coupe, méritant le titre de joueur par excellence en finale. Moses Denson était un très bon porteur de ballon. Il s’était même transformé, le temps d’un jeu, en quart-arrière lors de la finale pour la coupe Grey en dirigeant une passe de 10 verges à un dénommé Ted Alflen dans la zone des buts. On avait eu tellement de plaisir cette année-là. On formait une belle équipe et on avait causé une énorme surprise en raflant les grands honneurs. C’est la preuve qu’il ne faut jamais perdre espoir. »

Cette conquête a eu lieu dans des circonstan­ces particuliè­res, le Québec traversant en 1970 la crise d’Octobre avec l’enlèvement, par le FLQ, de James Richard Cross et de Pierre Laporte. Comment aviez-vous vécu cela au sein de l’équipe ?

« Je ne peux pas dire que ça m’a marqué. Les joueurs francophon­es dans l’équipe étaient peu nombreux, mais il n’existait pas un climat de tension. Les joueurs américains, surtout, se demandaien­t ce qui se passait, ce qui avait pu plonger le Québec dans une telle crise politique. Mais les joueurs étaient tellement concentrés sur les performanc­es de l’équipe en fin de saison qu’on ne réalisait pas pleinement la gravité de la situation. Il régnait une effervesce­nce pour le football à Montréal et on sentait que les gens étaient heureux de nous encourager, malgré le fait que l’Autostade n’était pas un endroit agréable pour présenter des matchs de football. À notre retour de Toronto après avoir gagné la coupe, l’armée canadienne était présente à l’aéroport (en raison de la Loi sur les mesures de guerre imposée), mais tout s’était bien déroulé. Une très belle foule était venue nous accueillir. »

Peux-tu nous parler du genre de traitement auquel avait eu droit votre botteur de précision, le politicien George Springate ?

« Il s’agit de mon souvenir le plus cocasse de la saison 1970. Parce qu’il était député libéral dans Sainte-Anne, George devait être accompagné d’un garde du corps en permanence en raison des enlèvement­s d’hommes politiques par le FLQ. C’est fou le plaisir qu’on avait à le

taquiner à ce sujet. Ça nous servait à détendre l’atmosphère dans le vestiaire. »

Comment s’était déroulé le défilé de la coupe Grey dans les rues du centre-ville ?

« C’était magnifique. Nous avions été accueillis comme des héros par le public qui s’était massé le long des trottoirs. Nous avions ensuite été reçus par le maire Jean Drapeau à l’hôtel de ville. De bien beaux souvenirs. Lors du défilé, Larry Fairholm et moi étions assis dans la même voiture décapotabl­e. Il y avait des gens partout dans les rues pour nous acclamer. C’était magique. »

Quel genre de joueur de ligne à l’attaque étais-tu ?

« Je n’étais pas costaud, mais je savais tenir mon bout face à de plus gros rivaux grâce à mon agilité de pointe. Lors du match de la Coupe Grey en 1970, mon poids ne s’élevait qu’à 217 livres. Ça doit être un record pour un garde ! »

Pourquoi voulais-tu prendre ta retraite après seulement quatre saisons passées avec les Alouettes ?

« Après ma sortie de l’Université du Wyoming, je demeurais en Arizona et j’avais commencé à travailler à Montréal comme représenta­nt des ventes pour Imperial Tobacco. Je ne pouvais pas accéder à des promotions puisque je jouais au football. Le monde des affaires occupait de plus en plus mon temps et j’ai dû faire des choix. »

Peux-tu nous parler du retrait de ton chandail numéro 63 par les Alouettes en 1972 ?

« C’était une initiative de notre propriétai­re Sam Berger, fier de souligner notre conquête de la coupe Grey survenue deux ans plus tôt, et d’Etcheverry. Je ne m’attendais pas à recevoir un tel honneur. Lors du match inaugural des Alouettes en juin dernier, j’ai pris le temps de regarder la liste des numéros retirés par l’équipe qui sont affichés au-dessus des gradins du côté sud du stade Percival-Molson. Je n’ai pu m’empêcher de remarquer que tous les numéros à la gauche du mien ont été portés par des joueurs aujourd’hui décédés. J’ai dit à Peter Dalla Riva qu’il fallait se surveiller, que nous étions les deux prochains sur la liste (rires) ! »

Quelles ont été tes plus belles réalisatio­ns comme homme d’affaires ?

« J’ai travaillé durant 10 ans pour Imperial Tobacco et 10 autres années pour la Brasserie Labatt. Je suis surtout fier d’avoir pu rapatrier le Grand Prix du Canada à Montréal en 1978 et d’avoir participé à la constructi­on d’un circuit sur l’île Notre-Dame, circuit qui est toujours apprécié par les pilotes 40 ans plus tard. Ce fut très bon pour Montréal. J’avais dû négocier avec Bernie Ecclestone et avec la Ville. Ce ne fut pas toujours facile et la présentati­on du Grand Prix a même été annulée en 1987, le maire Jean Doré ayant brisé le contrat avec Labatt. Heureuseme­nt, on a pu assurer la présentati­on de la course dès l’année suivante. Dans mon rôle de président de la Brasserie Labatt, j’ai été impliqué dans plusieurs dossiers, dont l’introducti­on de la marque américaine Budweiser au Canada. »

Suis-tu encore de près les matchs des Alouettes ?

« Bien entendu. Chaque année, j’assiste à quelques rencontres au stade. Les Alouettes en arrachent depuis trois saisons et il faudra que les propriétai­res réalisent qu’on ne peut pas toujours changer d’entraîneur-chef en espérant régler les problèmes. Je souhaite que l’équipe puisse renouer avec le succès en 2018. »

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1. Après avoir connu une belle carrière au football ainsi que dans le monde des affaires, Pierre Desjardins profite aujourd’hui d’une retraite bien méritée pour jouer au golf avec des amis. 2. Desjardins a eu le bonheur de soulever la coupe Grey en...
 ??  ?? Pierre Desjardins est né le 28 octobre 1941 dans le quartier Rosemont, à Montréal; il réside à Austin, dans les Cantons de l’Est; il est marié à Andrée-Julien et le couple a six enfants.
CARRIÈRE: Il a joué au football junior avec les Bombardier­s de...
Pierre Desjardins est né le 28 octobre 1941 dans le quartier Rosemont, à Montréal; il réside à Austin, dans les Cantons de l’Est; il est marié à Andrée-Julien et le couple a six enfants. CARRIÈRE: Il a joué au football junior avec les Bombardier­s de...

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