Candidate au Goncourt
L’écrivaine française Véronique Olmi raconte avec une plume extraordinairement sensible l’histoire lumineuse d’une esclave devenue une religieuse vénérée en Italie, canonisée en 2000, dans son quatrième roman publié chez Albin Michel, Bakhita. Son livre est d’une telle force qu’il figure sur la première liste du Prix Goncourt.
Bakhita, l’héroïne du roman, est née vers 1868 dans un petit village du Darfour. À 7 ans, elle est enlevée par des négriers qui vont la revendre sur un marché aux esclaves du Soudan. Passant de maître en maître et de cruauté en cruauté, elle est rachetée par le consul d’Italie et se retrouve après maintes péripéties chez un couple qui demeure près de Venise.
Au grand désespoir de ses maîtres, Bakhita demande à être baptisée et entre chez les Soeurs de la Charité Canossiennes en attendant de repartir avec elles au Soudan. Ses maîtres lui font un procès, mais Bakhita, femme d’une rare résilience, tient bon.
« MA VIE A CHANGÉ »
Véronique Olmi a été profondément émue par l’histoire de Bakhita, devenue dans les années 30 l’incarnation d’une esclave devenue fille de Dieu. « J’ignorais tout d’elle », témoigne-t-elle en entrevue.
« Je me promenais dans un petit village qui s’appelle Langeais, en Touraine, et je suis rentrée dans l’église. Le curé de la paroisse était, je pense, africain, et elle était la patronne de cette église. Dans cette église, il y avait son portrait, avec quelques dates biographiques. C’est comme ça que je l’ai connue. »
Elle était en train d’écrire un autre roman... et l’a mis à la poubelle pour partir à fond dans l’histoire de Bakhita, se documenter, aller en Italie, recevoir les livres qui existent, dont la Storia Meravigliosa, dont elle parle dans le livre.
« Pendant deux ans, je n’ai fait que ça. Quand je suis entrée dans cette église, ce n’est pas religieux... mais ma vie a changé. Je suis partie sur cette passion pour ce personnage et je n’ai vécu que pour l’écriture de ce livre pendant deux ans. »
Par l’écriture, Véronique Olmi démontre à quel point elle a été habitée par le personnage, par sa vie, par ses expériences, ses traumatismes, sa compassion. « Je ne sais pas exactement quel endroit ça a touché en moi, mais c’est vrai que ce que j’ai fait pour ce livre, je ne l’ai jamais fait pour aucun autre. »
Véronique Olmi note qu’on dit souvent qu’elle parle du couple dans ses livres... alors qu’elle dit qu’elle parle plutôt de l’enfance. Bakhita s’occupe d’ailleurs beaucoup des enfants. « Ce qui m’a beaucoup interpellée, c’est qu’elle avait oublié son prénom et ne savait pas trop se faire comprendre. Pourtant, elle a illuminé tous les gens qu’elle a rencontrés. »
L’écrivaine s’est demandé comment on se constituait quand on n’avait pas de photo de nous, enfant, pas de témoin de notre enfance, pas de dessin, qu’on ne sait pas quel lieu c’était, qu’on ne peut pas y retourner, qu’on a perdu sa langue maternelle.
« Comment on se constitue en tant qu’être humain quand en plus, on est esclavagisé ? Que toutes les offenses qu’on peut faire à un être humain, on vous les fait ? Et malgré cela, elle n’est pas morte, elle n’est pas devenue folle ni méchante, elle est devenue lumineuse. »
» Véronique Olmi est comédienne, romancière et dramaturge. » Elle a publié trois romans chez Albin Michel : Nous étions faits pour être heureux, La nuit en vérité et J’aimais mieux quand c’était toi. » Bakhita figure sur la liste de la première sélection du Prix Goncourt.