Pas un front, mais deux à la fois
Je rentre tout juste de Corée du Sud où le quotidien est rythmé par un voisin turbulent, qui investit les maigres richesses de son pays dans le développement de son arsenal nucléaire. On préférerait qu’elles n’existent pas ces bombes atomiques de l’autre côté de la frontière, mais on se contenterait d’un bon traité pour encadrer la menace. Pourquoi, du coup, se débarrasser d’un tel accord qui, ailleurs dans le monde, apporte justement cette assurance ?
Si on se fie aux échos provenant de la Maison-Blanche, le président américain indiquera au Congrès cette semaine qu’il ne peut pas certifier que l’Iran respecte l’accord sur son programme nucléaire conclu en 2015. Il doit, tous les 90 jours, émettre une telle certification et il l’a déjà fait deux fois.
Donald Trump s’est peinturé dans le coin avec sa critique de cet accord nucléaire lors de son discours à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU à la mi-septembre : une des pires transactions dans lesquelles les États-Unis se soient engagés, un embarras. Difficile de dire aux élus cette fois-ci que ça va encore.
PAS SI MAL POURTANT, L’ENTENTE
Des signataires de cet accord, la Maison-Blanche est le seul à trouver qu’il ne va pas. Les gouvernements français, britannique, allemand, chinois et russe considèrent que Téhéran se soumet aux contraintes que lui impose le JCPOA, l’acronyme de « Plan global d’action conjoint ». Et ces gouvernements ne se basent pas que sur leur intuition : l’IAEA, l’agence internationale de l’énergie atomique, qui dispose d’inspecteurs sur les 27 sites nucléaires iraniens, assure que l’entente est respectée.
Ce qui énerve Trump avec ce JCPOA (parallèlement au fait qu’il ait été conclu par son prédécesseur et qu’il semble s’être donné pour objectif de défaire tout ce qu’Obama a accompli), c’est que l’Iran n’est peut-être pas devenu une puissance nucléaire, mais qu’il est tout de même parvenu à étendre son influence au Moyen-Orient, du Liban au Yémen. L’entente nucléaire, dans l’esprit de Trump, aurait aussi dû contenir les élans régionaux iraniens ; c’est donc un échec !
LES ABSENTS ONT TORT
Les partisans de Donald Trump, tout comme les républicains de manière plus large, vivent dans une incohérence aiguë leur opposition à cette entente encadrant le programme nucléaire de l’Iran. En dénonçant, voire en se retirant de l’accord, ils laissent le terrain libre aux Européens, aux Russes et aux Chinois – qui, eux, continuent de pleinement soutenir l’entente – pour approfondir leur présence commerciale en Iran et leur potentielle influence auprès du régime des ayatollahs.
Par ailleurs, Trump et les faucons qui appuient sa ligne dure au Congrès ont beau dire que « l’alternative à cet accord est un meilleur accord », les Iraniens ne comptent pas toucher à cette entente, pas plus que les autres signataires. Pire qu’isolés, les ÉtatsUnis vont se retrouver forcés de considérer la véritable alternative au JCPOA, une action militaire contre les sites nucléaires iraniens.
CHERCHER LE TROUBLE
Hier, le président Trump, critiquant 25 années de négociations infructueuses, juge-t-il, avec la Corée du Nord, a conclu son message sur Twitter, en affirmant qu’« une seule chose allait marcher »… à nous de déduire la suite. Le contraire de négocier ? Se battre ?
Pyongyang d’un bord, Téhéran de l’autre. Pour un futur président qui estimait, en campagne comme pendant longtemps auparavant, que les États-Unis s’étaient assez mêlés des affaires des autres, c’est une autre contradiction à justifier.