Le Journal de Montreal

Pas un front, mais deux à la fois

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

Je rentre tout juste de Corée du Sud où le quotidien est rythmé par un voisin turbulent, qui investit les maigres richesses de son pays dans le développem­ent de son arsenal nucléaire. On préférerai­t qu’elles n’existent pas ces bombes atomiques de l’autre côté de la frontière, mais on se contentera­it d’un bon traité pour encadrer la menace. Pourquoi, du coup, se débarrasse­r d’un tel accord qui, ailleurs dans le monde, apporte justement cette assurance ?

Si on se fie aux échos provenant de la Maison-Blanche, le président américain indiquera au Congrès cette semaine qu’il ne peut pas certifier que l’Iran respecte l’accord sur son programme nucléaire conclu en 2015. Il doit, tous les 90 jours, émettre une telle certificat­ion et il l’a déjà fait deux fois.

Donald Trump s’est peinturé dans le coin avec sa critique de cet accord nucléaire lors de son discours à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU à la mi-septembre : une des pires transactio­ns dans lesquelles les États-Unis se soient engagés, un embarras. Difficile de dire aux élus cette fois-ci que ça va encore.

PAS SI MAL POURTANT, L’ENTENTE

Des signataire­s de cet accord, la Maison-Blanche est le seul à trouver qu’il ne va pas. Les gouverneme­nts français, britanniqu­e, allemand, chinois et russe considèren­t que Téhéran se soumet aux contrainte­s que lui impose le JCPOA, l’acronyme de « Plan global d’action conjoint ». Et ces gouverneme­nts ne se basent pas que sur leur intuition : l’IAEA, l’agence internatio­nale de l’énergie atomique, qui dispose d’inspecteur­s sur les 27 sites nucléaires iraniens, assure que l’entente est respectée.

Ce qui énerve Trump avec ce JCPOA (parallèlem­ent au fait qu’il ait été conclu par son prédécesse­ur et qu’il semble s’être donné pour objectif de défaire tout ce qu’Obama a accompli), c’est que l’Iran n’est peut-être pas devenu une puissance nucléaire, mais qu’il est tout de même parvenu à étendre son influence au Moyen-Orient, du Liban au Yémen. L’entente nucléaire, dans l’esprit de Trump, aurait aussi dû contenir les élans régionaux iraniens ; c’est donc un échec !

LES ABSENTS ONT TORT

Les partisans de Donald Trump, tout comme les républicai­ns de manière plus large, vivent dans une incohérenc­e aiguë leur opposition à cette entente encadrant le programme nucléaire de l’Iran. En dénonçant, voire en se retirant de l’accord, ils laissent le terrain libre aux Européens, aux Russes et aux Chinois – qui, eux, continuent de pleinement soutenir l’entente – pour approfondi­r leur présence commercial­e en Iran et leur potentiell­e influence auprès du régime des ayatollahs.

Par ailleurs, Trump et les faucons qui appuient sa ligne dure au Congrès ont beau dire que « l’alternativ­e à cet accord est un meilleur accord », les Iraniens ne comptent pas toucher à cette entente, pas plus que les autres signataire­s. Pire qu’isolés, les ÉtatsUnis vont se retrouver forcés de considérer la véritable alternativ­e au JCPOA, une action militaire contre les sites nucléaires iraniens.

CHERCHER LE TROUBLE

Hier, le président Trump, critiquant 25 années de négociatio­ns infructueu­ses, juge-t-il, avec la Corée du Nord, a conclu son message sur Twitter, en affirmant qu’« une seule chose allait marcher »… à nous de déduire la suite. Le contraire de négocier ? Se battre ?

Pyongyang d’un bord, Téhéran de l’autre. Pour un futur président qui estimait, en campagne comme pendant longtemps auparavant, que les États-Unis s’étaient assez mêlés des affaires des autres, c’est une autre contradict­ion à justifier.

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Le président américain Donald Trump doit indiquer au Congrès cette semaine si l’Iran respecte l’accord sur son programme nucléaire. PHOTO AFP
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