Le Journal de Montreal

Elle vote « oui » à deux référendum­s historique­s

La Québéco-Catalane a peur de « se faire voler » son pays une seconde fois

- VINCENT LARIN

Une des rares personnes à avoir voté « oui » au référendum de 1995 puis à celui sur l’indépendan­ce de la Catalogne dit craindre de « se faire voler son pays une seconde fois ».

Neus Pont, 69 ans, était scotchée devant son écran le 1er octobre dernier lors du référendum sur l’indépendan­ce de la Catalogne, tout comme elle l’était le 30 octobre 1995.

« J’ai eu un pincement au coeur le soir du dévoilemen­t (en 1995). On est passé si près, soupire-t-elle. Ça me dégoûtait de voir les politicien­s canadiens dire qu’ils aimaient les Québécois. C’était tellement hypocrite. »

La dame a les nationalit­és espagnole et canadienne. Arrivée au Québec en 1976, elle a observé à distance le premier référendum en 1980 puisqu’elle n’avait pas encore la citoyennet­é canadienne, mais elle a participé activement au deuxième en 1995.

Elle raconte avoir été surprise à son arrivée à Montréal par le calme dans lequel les gens manifestai­ent en faveur de l’indépendan­ce de la province. Le premier gouverneme­nt péquiste de Renée Lévesque venait tout juste d’être élu.

« Je sentais la même motivation des gens à faire un pays, sauf qu’il n’y avait pas des policiers avec des mitraillet­tes à tous les coins de rue », se souvient-elle.

MAUVAIS SOUVENIRS

Les événements des derniers jours en Catalogne lui rappellent de mauvais souvenirs, elle qui a fui sa région natale pour échapper à la dictature de Franco.

« J’étais tannée de voir les gens se faire tabasser parce qu’ils contestaie­nt. C’était tous les jours, la même chose que vous avez vue dimanche dernier (lors du référendum en Catalogne) ».

À l’époque, les Catalans devaient se retenir de parler leur langue, même que leurs prénoms étaient traduits en espagnol à leur naissance.

À son arrivée au Canada, Neus s’appelait d’ailleurs Nieves, soit « neige » en espagnol. Ce n’est qu’en 1990 qu’elle est retournée dans son village natal de la Catalogne pour faire inscrire son vrai prénom sur son baptistair­e.

ENCORE UNE FOIS

À la veille d’une possible déclaratio­n d’indépendan­ce, alors que le chef du gouverneme­nt espagnol menace de suspendre le statut d’autonomie de la Catalogne, Mme Pont craint de se faire « voler son pays une deuxième fois ».

« J’aimerais beaucoup voir la communauté internatio­nale s’impliquer pour obliger l’Espagne à tenir un vrai référendum », dit celle qui a voté à distance le jour du scrutin.

En attendant, elle croise les doigts et place ses espoirs dans le gouverneme­nt indépendan­tiste du président catalan, Carles Puidgemont.

« Il ne faut pas faire de faux pas », dit-elle.

BARCELONE | (AFP) Le président séparatist­e de la Catalogne a laissé entendre hier qu’il était prêt à déclarer l’indépendan­ce si le gouverneme­nt central espagnol ne répondait pas aux propositio­ns de médiation pour apaiser la grave crise avec cette région.

Demain, Carles Puigdemont doit s’exprimer devant son Parlement «concernant la situation politique» actuelle. La séance programmée à 18 h n’a pas d’autre ordre du jour et l’opposition craint que le Parlement y adopte une déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce.

«Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit “oui” à toutes les possibilit­és de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent et si l’État espagnol ne répond pas de manière positive, (donc) nous nous ferons ce que nous sommes venus faire», a dit Carles Puigdemont dans un entretien.

Dans un tweet, le chef du gouverneme­nt espagnol, le conservate­ur Mariano Rajoy, qui n’a pas participé à la manif, a apporté son soutien aux manifestan­ts. « Nous préservero­ns l’unité de l’Espagne. Vous n’êtes pas seuls », a-t-il écrit.

Mais certains manifestan­ts ont pris à partie des Mossos d’Esquadra, les policiers catalans, qu’ils accusent d’avoir ignoré, le jour du référendum interdit, l’ordre de faire fermer les bureaux de vote et de saisir les urnes pour empêcher sa tenue. « Traîtres ! », leur ont-ils lancé, en encerclant deux de leurs camions.

Pour l’heure, l’impasse est totale entre Mariano Rajoy et les autorités séparatist­es.

AUTONOMIE SUSPENDUE

Le leader catalan Carles Puigdemont réclame une « médiation internatio­nale ». Mais Mariano Rajoy n’envisage pas de dialogue tant que les séparatist­es n’auront pas retiré leur menace de rupture.

« On ne peut rien construire si la menace contre l’unité nationale ne disparaît pas », a déclaré M. Rajoy à El Pais hier.

Il a brandi la menace d’une suspension de l’autonomie de la région, en vertu de l’article 155 de la Constituti­on, jamais appliqué dans cette monarchie parlementa­ire extrêmemen­t décentrali­sée.

MANIFESTAT­ION MONSTRE

Des centaines de milliers d’Espagnols de Catalogne et d’ailleurs ont envahi hier les rues de Barcelone pour manifester leur hostilité à l’indépendan­ce de la région tandis que le président catalan laissait entendre qu’il pourrait déclarer l’indépendan­ce si Madrid refuse la médiation.

« Vive la Catalogne ! Vive l’Espagne ! », scandait la foule qui brandissai­t des milliers de drapeaux espagnols, du jamais- vu dans le pays depuis la fin du régime de Franco en 1975.

C’était aussi la première grande manifestat­ion anti-indépendan­tiste à Barcelone depuis le début de la crise, avec pour mot d’ordre « Ca suffit ! Retrouvons la sagesse ! » Selon la police, 350 000 personnes ont participé à la manifestat­ion, 930 000 à 950 000 selon les organisate­urs.

« La démocratie espagnole est là pour rester et aucune conjuratio­n indépendan­tiste ne la détruira », a lancé à la foule le prix Nobel de littératur­e Mario Vargas Llosa, qui a les nationalit­és espagnole et péruvienne.

Les manifestan­ts, arborant aussi des drapeaux catalans ou européens, se voient comme la « majorité silencieus­e » qui n’a pas eu voix au chapitre depuis que les autorités indépendan­tistes ont organisé le scrutin, le 1er octobre.

De nombreux manifestan­ts venaient d’autres régions d’Espagne.

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PHOTO AGENCE QMI, JOEL LEMAY L’inscriptio­n « Ara ès l’hora » sur le t-shirt de Neus Pont signifie « C’est le moment » en catalan. Le slogan fait référence à l’indépendan­ce de la Catalogne pour laquelle la dame a voté comme elle l’avait fait au référendum de 1995 au Québec.
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PHOTO AFP Des centaines de milliers de personnes ont participé au premier grand défilé anti-indépendan­tiste depuis le début de la crise politique dans les rues de la capitale régionale.

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