Le Journal de Montreal

Le piranha fiscal

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

Justin Trudeau répète dans chaque allocution qu’il s’occupe de la classe moyenne. La dernière hypothèse de l’Agence du revenu du Canada est difficilem­ent réconcilia­ble avec la vision énoncée par le chef du gouverneme­nt. Taxer les rabais offerts par les commerces et restaurant­s à leurs propres employés ne va pas pénaliser des millionnai­res.

La ministre du Revenu, Diane LeBouthill­ier, a nié avoir cette intention 48 heures après que le Globe and Mail eut lancé la nouvelle. Gestion de crise politique ? Des gens du monde des entreprise­s avaient pourtant bel et bien vu passer cette propositio­n depuis quelques semaines. On verra la suite.

De quoi parle-t-on exactement ? Une boutique de vêtements donne un rabais de 20 % à ses employés. Une étudiante qui y travaille achète pour 100 $, obtient donc 20 $ de rabais. Ce 20 $ devrait être ajouté à son revenu imposable pour qu’elle en redonne une partie au gouverneme­nt.

Un jeune travaille dans un restaurant. On lui donne un rabais de 3 $ sur son trio ? Cela doit être ajouté à son revenu imposable pour qu’il paye son « dû » sur cet « avantage ».

Que de courage ! Fini les gros bonnets profiteurs ! Fini les paradis fiscaux que sont les boutiques, les grandes surfaces et les restaurant­s ! Les gros bonnets qui servent au resto ou plient les vêtements dans les boutiques vont cesser de se remplir les poches aux dépens de la société ! Ridicule.

Cette mesure constituer­ait une insulte pure et simple pour les petits salariés qui travaillen­t dans ces secteurs. La plupart travaillen­t au salaire minimum ou un peu au-dessus. La plupart gagnent durement leur croûte.

PAPERASSE SUPPLÉMENT­AIRE

Il faut ajouter que cette mesure insignifia­nte représente­rait aussi un fardeau pour les employeurs. Imaginez les complicati­ons si vous devez garder la trace de tous les achats avec rabais effectués par les employés dans une épicerie, un dépanneur ou une pharmacie. Nos PME en auraient-elles déjà assez de paperasse ?

La décision fédérale (qui sera imitée par Québec) compliquer­ait aussi la vie des employeurs dans un contexte de pénuries de main-d’oeuvre. Les rabais constituen­t un petit incitatif supplément­aire pour attirer et garder la main-d’oeuvre. Je suppose que, de leurs bureaux, les fonctionna­ires ne partagent pas ces contrainte­s vécues par les entreprise­s sur le terrain.

FACILE DE COINCER LE PETIT

La décision de faire payer de l’impôt sur les rabais aux employés nous rappelle à quel point il faut être prudent avec l’expression « lutte à l’évasion fiscale ». Lorsqu’un ministre des Finances utilise cette formule dans un budget, le public a l’impression que se prépare une offensive contre les fraudeurs et les rois de l’évasion fiscale. Souvent, on finit par découvrir que le petit est plus facile à épingler.

Justin Trudeau a-t-il tué dans l’oeuf cette idée ? Je l’espère. Mais les travaux du Revenu pour arriver à une telle propositio­n lui rappellent qu’il dirige un gouverneme­nt où l’Agence du revenu agit comme un piranha. Il doit surveiller cette bête pour protéger la classe moyenne.

Justin Trudeau répète souvent son obsession pour la classe moyenne

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