Le piranha fiscal
Justin Trudeau répète dans chaque allocution qu’il s’occupe de la classe moyenne. La dernière hypothèse de l’Agence du revenu du Canada est difficilement réconciliable avec la vision énoncée par le chef du gouvernement. Taxer les rabais offerts par les commerces et restaurants à leurs propres employés ne va pas pénaliser des millionnaires.
La ministre du Revenu, Diane LeBouthillier, a nié avoir cette intention 48 heures après que le Globe and Mail eut lancé la nouvelle. Gestion de crise politique ? Des gens du monde des entreprises avaient pourtant bel et bien vu passer cette proposition depuis quelques semaines. On verra la suite.
De quoi parle-t-on exactement ? Une boutique de vêtements donne un rabais de 20 % à ses employés. Une étudiante qui y travaille achète pour 100 $, obtient donc 20 $ de rabais. Ce 20 $ devrait être ajouté à son revenu imposable pour qu’elle en redonne une partie au gouvernement.
Un jeune travaille dans un restaurant. On lui donne un rabais de 3 $ sur son trio ? Cela doit être ajouté à son revenu imposable pour qu’il paye son « dû » sur cet « avantage ».
Que de courage ! Fini les gros bonnets profiteurs ! Fini les paradis fiscaux que sont les boutiques, les grandes surfaces et les restaurants ! Les gros bonnets qui servent au resto ou plient les vêtements dans les boutiques vont cesser de se remplir les poches aux dépens de la société ! Ridicule.
Cette mesure constituerait une insulte pure et simple pour les petits salariés qui travaillent dans ces secteurs. La plupart travaillent au salaire minimum ou un peu au-dessus. La plupart gagnent durement leur croûte.
PAPERASSE SUPPLÉMENTAIRE
Il faut ajouter que cette mesure insignifiante représenterait aussi un fardeau pour les employeurs. Imaginez les complications si vous devez garder la trace de tous les achats avec rabais effectués par les employés dans une épicerie, un dépanneur ou une pharmacie. Nos PME en auraient-elles déjà assez de paperasse ?
La décision fédérale (qui sera imitée par Québec) compliquerait aussi la vie des employeurs dans un contexte de pénuries de main-d’oeuvre. Les rabais constituent un petit incitatif supplémentaire pour attirer et garder la main-d’oeuvre. Je suppose que, de leurs bureaux, les fonctionnaires ne partagent pas ces contraintes vécues par les entreprises sur le terrain.
FACILE DE COINCER LE PETIT
La décision de faire payer de l’impôt sur les rabais aux employés nous rappelle à quel point il faut être prudent avec l’expression « lutte à l’évasion fiscale ». Lorsqu’un ministre des Finances utilise cette formule dans un budget, le public a l’impression que se prépare une offensive contre les fraudeurs et les rois de l’évasion fiscale. Souvent, on finit par découvrir que le petit est plus facile à épingler.
Justin Trudeau a-t-il tué dans l’oeuf cette idée ? Je l’espère. Mais les travaux du Revenu pour arriver à une telle proposition lui rappellent qu’il dirige un gouvernement où l’Agence du revenu agit comme un piranha. Il doit surveiller cette bête pour protéger la classe moyenne.
Justin Trudeau répète souvent son obsession pour la classe moyenne