Des élèves sautent la 6e année après avoir doublé
La Commission scolaire encense cette pratique, les enseignants la dénoncent
Chaque année, quelque 350 élèves de la Commission scolaire de Montréal sautent leur 6e année et vont directement au secondaire même s’ils ont déjà doublé au primaire, une pratique controversée qui risque de se répandre.
Ce n’est pas parce qu’ils sont trop doués que ces élèves sautent leur 6e année, mais parce que bien souvent, ils sont considérés trop vieux pour le primaire.
« C’est la consécration de l’absurdité. C’est comme priver les élèves d’un droit, s’insurge Nathalie Morel. Pourquoi on ne leur donne pas un an de plus au primaire ? Le jeune a le droit d’avoir accès au programme dans son entièreté », s’indigne Mme Morel de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).
MEILLEURE OPTION
L’an dernier, 365 élèves sont passés de la 5e année au secondaire alors qu’ils avaient doublé une année au cours de leur primaire. Il s’agit d’une statistique relativement stable depuis les cinq dernières années, selon des chiffres obtenus par le Journal auprès de la Commission scolaire de Montréal (CSDM).
Environ les deux tiers de ces élèves sont placés dans une classe d’adaptation scolaire au secondaire, où ils ont plus de services que dans une classe de régulier au primaire, explique Gérald Gauthier des services éducatifs de la CSDM.
Selon lui, l’école fait souvent ce choix, car il s’agit de la meilleure option pour l’élève. « Qu’on ne me sorte pas [l’argument du] nivellement par le bas. C’est l’inverse, s’exclame M. Gauthier. Si on les expose aux apprentissages des niveaux de leur âge, ils captent certaines choses. Il y a de belles victoires », dit-il.
C’est le cas de Blaise Guigma, 14 ans, qui a réussi à rattraper son retard en sautant sa 6e année et qui réussit maintenant bien dans une classe ordinaire (voir autre texte).
Depuis la réforme scolaire des années 2000, le redoublement d’une année est de moins en moins appliqué. La loi prévoit d’ailleurs qu’un enfant ne peut redoubler plus d’une fois au cours de son primaire.
« On n’a pas le choix, c’est le ministère qui nous demande ça. Mais par expérience, je peux dire que c’est payant », affirme M. Gauthier. Des études montrent en effet que le redoublement a ses limites (voir autre texte).
NIVELLEMENT
Mais pour les syndicats d’enseignants, il s’agit bel et bien de nivellement par le bas. Mme Morel dit entendre régulièrement parler de cas de jeunes promus au niveau suivant alors que l’enseignant avait recommandé qu’ils redoublent.
Cette tendance à faire entrer au secondaire des jeunes qui n’ont pas tous les acquis du primaire risque d’aller en augmentant, estime la FAE.
Dans sa politique de la réussite éducative, le ministre de l’Éducation a en effet inscrit comme objectif de réduire à 10 % la proportion d’élèves entrant à 13 ans au secondaire d’ici 2030.
Un élève qui n’a jamais doublé y entrera de 11 ou 12 ans, tout dépendant de son mois de naissance. L’an dernier, 11 % des élèves avaient 13 ans ou plus lors de leur entrée au secondaire. « Le nombre d’élèves qui redoublent devrait dépendre des besoins et non de cibles statistiques », dit Mme Morel. - Avec Daphnée Dion-Viens,
Le Journal de Québec