Le Journal de Montreal

Grondé pour avoir voulu changer la locomotive brisée

La veille de l’explosion de Lac-Mégantic, le conducteur a été traité de « chialeux »

- CAROLINE LEPAGE

SHERBROOKE | Le conducteur du train qui a suggéré de changer la locomotive défectueus­e à la tête du train de pétrole, avant qu’il explose à Lac-Mégantic, se serait fait traiter de « chialeux » par le directeur de la station ferroviair­e.

L’ex-employé de la Montreal, Maine & Atlantic (MMA), François Daigle, a suggéré le matin du 5 juillet 2013 de mettre une locomotive plus fonctionne­lle à la place de celle qui était défectueus­e. Il conduisait alors le train chargé de pétrole qui a déraillé la nuit suivante à Lac-Mégantic, faisant 47 morts.

Selon le récit de François Daigle, l’ancien directeur des transports au bureau de Farhnam pour la MMA, Jean Demaître, lui aurait répondu une phrase qui l’a longtemps empêché de dormir.

« Tu chiales encore. C’est ça qu’on a. Pis de toute façon, tu vas prendre ta pension après moi », lui aurait dit M. Demaître, l’un des trois ex-employés de la MMA, avec Tom Harding et Richard Labrie, accusés de négligence criminelle causant la mort des 47 victimes.

Les trois hommes subissent présenteme­nt leur procès devant jury au palais de justice de Sherbrooke.

Selon son témoignage qui se déroule depuis mercredi dernier, M. Daigle a expliqué que le changement de locomotive que M. Demaître a refusé aurait pris seulement une trentaine de minutes à faire.

M. Daigle entretenai­t une relation qui semblait peu cordiale avec ses supérieurs. Il a traité ses deux « osties » de boss de « moineaux » quand il s’est adressé aux policiers, à la suite de la catastroph­e de Lac-Mégantic.

BOUCANE NOIRE

Deux jours avant l’explosion mortelle, M. Daigle avait conduit la locomotive 5017, qui avançait au ralenti à cause de bris électrique­s reliés à un problème d’ampérage.

Sans être un problème majeur, cette défectuosi­té lui exigeait de jouer continuell­ement avec les freins et la pression d’air.

« Elle faisait de la boucane noire », a-t-il détaillé.

M. Daigle avait informé un superviseu­r des anomalies de la 5017, qu’il avait notées dans une télécopie envoyée à 21 h 45 à l’atelier de mécanique de Derby, dans le Maine.

En contre-interrogat­oire, l’avocat de Jean Demaître, Me Gaétan Bourassa, a fait valoir que cet endroit n’était pas celui prévu à la procédure. M. Daigle a expliqué qu’il avait agi ainsi pour être certain que la locomotive se fasse réparer.

De plus, M. Daigle n’aurait jamais signalé le bris au contrôleur ferroviair­e, comme l’exige la réglementa­tion de la MMA, et ce, dès la première communicat­ion.

« Dans le passé, on pouvait le rapporter et il n’y a rien qui se passait », a-t-il justifié.

Celui-ci se limitait donc à signaler par écrit les défectuosi­tés, qui étaient courantes, à la fin du voyage.

Auparavant dans le procès : l’ex-assistant directeur de la MMA, Michael Horan, a mentionné que neuf freins à main au lieu de sept auraient pu empêcher le train d’avancer. Aujourd’hui : le contre-interrogat­oire de l’ex-employé de la MMA François Daigle se poursuit.

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, CAROLINE LEPAGE L’accusé Jean Demaître conserve un air impassible pendant son procès qui se déroule au palais de justice de Sherbrooke pour négligence criminelle causant la mort.

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