Le Journal de Montreal

Des camions fictifs pour payer les pots-de-vin

Un entreprene­ur raconte comment il versait son dû au parti de Gilles Vaillancou­rt

- JEAN-LOUIS FORTIN

Des voyages de camion inventés de toutes pièces ont servi à payer des pots-de-vin pour le parti de l’ex-maire de Laval Gilles Vaillancou­rt, selon un ancien dirigeant d’une firme de constructi­on.

Hier, au procès de l’entreprene­ur Tony Accurso, l’ex-directeur régional de Sintra Nicolas Théberge a expliqué l’astucieux stratagème qu’il utilisait afin de se procurer de l’argent comptant.

Les billets de banque servaient à payer la ristourne de 2 % exigée aux entreprise­s, dont Sintra, qui obtenaient des contrats « arrangés » auprès de la Ville de Laval.

Nicolas Théberge a raconté avoir conclu une entente avec Gilles Gauthier, le propriétai­re d’une entreprise de camionnage avec laquelle il faisait régulièrem­ent affaire pour la manutentio­n de pierre.

Gauthier savait que Théberge avait besoin d’argent comptant, et lui aurait proposé d’utiliser des fausses factures de son entreprise, a expliqué l’ex-directeur de Sintra.

Théberge avoue qu’en 2005 et 2006, il a donc signé de nombreux bons de commande fictifs pour du transport par camion. Selon lui, Gauthier encaissait les chèques faits par Sintra, gardait 20 % et lui remettait le reste, soit 80 %, en liquide.

« Un camion, ça coûte 1000 $ par jour. Moins le 20 %, c’est 800 $ d’argent comptant que ça peut ramener, un camion, en une journée », a décrit Nicolas Théberge devant le juge James Brunton et les 12 membres du jury.

LE BUTIN EN LIEU SÛR

Théberge raconte avoir accumulé tellement d’argent comptant qu’il a dû louer deux coffrets sur le boulevard des Laurentide­s pour garder le butin en lieu sûr. Dès qu’il a pu le faire, il a rencontré Roger Desbois, ingénieur chez Tecsult, pour lui remettre le liquide. « C’était au moins 125 000 $, a raconté Théberge à propos de la première remise.

Selon la poursuite, Desbois était un des « collecteur­s » pour le parti du maire Vaillancou­rt.

Gilles Gauthier et deux de ses entreprise­s ont été épinglés en 2013 par Revenu Québec, qui leur a décerné 672 chefs d’accusation assortis d’amendes de 4 millions $.

Hier, le prédécesse­ur de Théberge chez Sintra, Mario Desrochers, a lui aussi confirmé sous serment le trucage des contrats publics et le versement d’une ristourne en argent comptant à Laval, au temps de Gilles Vaillancou­rt.

CONTRATS ARRANGÉS

Mario Desrochers a affirmé qu’entre 2001 et 2005, il avait rencontré jusqu’à une vingtaine de fois Claude De Guise, ex-directeur de l’ingénierie à la ville de Laval. Ce dernier lui annonçait quels contrats obtiendrai­t son entreprise, avant même la fermeture des appels d’offres.

« La plupart du temps, [les contrats] étaient organisés », a décrit le témoin.

Selon la Couronne, Tony Accurso, 66 ans, faisait partie du cartel des entreprene­urs. Il a été arrêté en 2013 tout comme 36 autres personnes, dont l’ex-maire Vaillancou­rt, et a plaidé non coupable.

Hier: Les entreprene­urs Mario Desrochers et Nicolas Théberge ont confirmé la collusion. Aujourd’hui : Nicolas Théberge poursuit son témoignage.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Tony Accurso (à gauche), ex-dirigeant des entreprise­s Louisbourg et Simard Beaudry, fait face à cinq chefs d’accusation, dont fraude et corruption dans les affaires municipale­s. Son procès se déroule au palais de justice de Laval.
PHOTO D’ARCHIVES Tony Accurso (à gauche), ex-dirigeant des entreprise­s Louisbourg et Simard Beaudry, fait face à cinq chefs d’accusation, dont fraude et corruption dans les affaires municipale­s. Son procès se déroule au palais de justice de Laval.

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